La condamnation de sept policiers par le tribunal de Bobigny à des peines de prison ferme suscite des réactions aussi bien chez les syndicats de policiers que dans le monde politique. Loin de condamner la manifestation spontanée des policiers après la décision de justice, le ministre de l'Intérieur a jugé vendredi soir que "sans naturellement méconnaître la nature des faits qui ont été reprochés aux policiers, ce jugement - dans la mesure où il condamne chacun des sept fonctionnaires à une peine de prison ferme - peut légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné".
"Notre société ne doit pas se tromper de cible : ce sont les délinquants et les criminels qu'il faut mettre hors d'état de nuire", a estimé Brice Hortefeux, avant d'ajouter qu'il prenait "acte de la décision du Parquet de faire appel de ce jugement".
Le préfet Lambert fait part de son étonnement
"La faute commise est indéniable, (...). Je suis pour autant très étonné de la décision du tribunal", a déclaré le préfet de la Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, depuis le commissariat d'Aulnay-sous-Bois où il a rendu visite aux sept policiers condamnés. Le représentant de l’Etat a rappelé que les policiers n'avaient "aucun passé pénal", avant d'ajouter que cette condamnation était "une jurisprudence peu habituelle de ce tribunal".
Le PS défend les juges et critique le gouvernement
Mais le son de cloche résonne différemment du côté de l'opposition. Martine Aubry a vivement critiqué samedi le ministre de l'Intérieur et lui a asséné un : "Laissez les magistrats faire leur travail !", car "quand on doute de la justice, la République n'existe plus". Faisant allusion aux "atteintes" faites à la presse, au fait que "le gouvernement n'ait pas renoncé à supprimer le juge d'instruction, le seul juge indépendant aujourd'hui", la patronne du Parti Socialiste a prévenu qu'il n'était pas possible d'"accepter que Brice Hortefeux, une fois de plus, attaque les magistrats sur une décision qu'ils ont prise vis-à-vis des policiers". "La République, c'est l'impartialité de l'Etat", a-t-elle ajouté à la tribune de la convention "Egalité réelle".
Un peu plus tôt, le socialiste Benoît Hamon avait comparé le ministre de l'Intérieur à "premier syndicaliste de la police". Revenant sur les déclarations de Brice Hortefeux, il a jugé qu'elles "sont scandaleuses : voilà un ministre de l'intérieur qui critique une décision de justice". Même opinion du président d'honneur du PRG, Roger-Gérard Schwartzenberg. Samedi, il a estimé que Brice Hortefeux avait "enfreint la Constitution et le code pénal" en jugeant que la condamnation de policiers à de la prison ferme, à Bobigny, pouvait "légitimement apparaître" à la profession "comme disproportionné".
La députée et ex-garde des Sceaux Marylise Lebranchu a, de son côté, condamné "avec fermeté" la manifestation de policiers en uniforme devant le tribunal de Bobigny. "Le ministre de l'Intérieur doit prendre des sanctions immédiates contre ceux qui viennent de mettre en cause publiquement la justice alors qu'ils sont dépositaires de l'autorité publique", a-t-elle estimé dans un communiqué. Et de conclure dans une interview à Europe 1 : "Si on en arrive là, c’est qu’on sent bien qu’il y a une critique permanente de la justice de la part des autorités. On ne doit pas laisser s’installer une ambiance où toute décision de justice est remise en question".
"La justice sape le travail des policiers"
"La justice sape le travail des policiers avec l’accord des politiques", a estimé pour sa part Marine Le Pen, la vice-présidente du Front National. "Il y en a assez que les policiers soient systématiquement accusés dès qu’il y a le moindre incident", a t-elle ajouté.