Lundi 21 octobre, 11h. A Agnetz, petite commune de moins de 3.000 habitants en Picardie, Marine Le Pen est très attendue. Pour la première fois, elle va participer à une table ronde en petit comité. Ses hôtes sont déjà là, arrivés en fauteuil roulant ou portés par des cannes pour certains. "Deux ont déclaré forfait pour raison de santé", précise à Europe1.fr Michel Guiniot, président du groupe Front national au Conseil régional de Picardie et organisateur de la réunion. Car après avoir dragué les fonctionnaires, puis les enseignants, ce sont les retraités qui sont cette fois dans le viseur de la patronne du Front national.
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Cette rencontre, Marine Le Pen l’a voulu "pour prendre le pouls des retraités", nous a-t-on expliqué en préambule. D’ailleurs, promis, ceux qui ont répondu à l’invitation "ne sont pas forcément des électeurs du FN". Ce qui n’empêche pas certains d’entre eux, pourtant, de faire la bise à Michel Guiniot à l’entrée de l’hôtel qui accueille la rencontre…
Des questions connues à l’avance
Pour comprendre au mieux les préoccupations des retraités, Marine Le Pen, "très heureuse d’être ici", a donc décidé de leur donner la parole, chacun leur tour. "Vous êtes les représentants de millions de Français, exprimez-vous !", les exhorte-t-elle. Des millions de Français qui, traditionnellement, ne ratent pas les rendez-vous électoraux, au contraire des jeunes, moins investis dans la chose publique. Des millions de Français "qui ont le sentiment d’être la dernière roue du carrosse", nous raconte l’un d’entre eux. Donc un potentiel électoral non négligeable pour qui rêve de conquérir le pouvoir.
Christine Luca, veuve et mère de famille, ouvre le bal des questions. "Je n’ai pas les moyens d’aller en maison de retraites, que me proposez-vous ?" Et Marine Le Pen de dérouler son argumentaire sur la nécessité de réserver des HLM aux personnes âgées. Sa réponse fuse. On s’interroge. Michel Guiniot le reconnaît : "pour éviter que tout le monde dise la même chose, je les ai aidé à préparer les questions." Une par personne, pas plus. Et Marine Le Pen de sortir ses fiches en fonction de l’identité du retraité-questionneur.
"Je vais devenir électrice FN, c’est certain"
Dans ce panel presque parfait se trouve notamment Etienne La Mesta, un ancien professeur de biologie, "encarté au Parti socialiste pendant au moins 15 ans". Mais pour lui, "le PS n’existe plus, c’est devenu un parti social-libéral qui fait la même politique que Sarkozy, avec juste quelques aménagements. Le Pen est la seule à porter une opposition à cette politique ultralibérale. Donc j’ai décidé de devenir militant au FN". Guy Monnayeur, 66 ans, a longtemps œuvré au sein de Force ouvrière chez Air France, tout en votant à droite. Mais cette fois, la guerre des chefs de l’UMP a eu raison de sa patience : "j’ai apprécié qu’elle vienne ici car on n’en voit pas beaucoup par les temps qui courent… On est dans le trou, il faut changer. Aujourd’hui, je réfléchis fortement à voter pour elle, oui !"
Marie-France Andrieux (photo), elle, a été factrice toute sa vie. Sa fille de 27 ans, surdiplômée, est au chômage, donc c’est elle qui l’entretient. Elle n’en peut plus. Alors pour les prochaines élections, le MPF va perdre une voix : "je n’ai plus confiance dans la droite et la gauche, mais j’ai confiance en elle car elle parle de choses qui nous touchent tous. Je vais devenir électrice FN, c’est certain."
Le Pen : "Il y en aura d’autres, ça change des meetings !"
Sur le fond donc, rien de nouveau : Marine Le Pen a joué sur du velours et déroulé son argumentaire classique - sortie de la zone euro, critique des politiques en place, régulation de l’immigration, insécurité - reprenant même des propositions de sa dernière campagne présidentielle. Une nouveauté, tout de même : la création d’une taxe sur la spéculation financière pour financer la dépendance, dont le contour mériterait d’être précisé. Mais tout le monde sort ravi. "Elle est impressionnante, elle connaît bien ses dossiers", estime Guy Monnayeur. "Elle a donné beaucoup de réponses aux questions que je me posais. Elle m’a convaincu, elle est très proche des gens, et on a l’impression qu’elle est capable de faire ce qu’elle dit", s’enflamme Marie-France Andrieux.
12h40 : la table ronde touche à sa fin. Au Front national, on est satisfait de l’exercice. "Cela permet un échange et de faire remonter les problèmes les plus récurrents. C’est positif", juge Florian Philippot (photo), vice-président du FN, interrogé par Europe1.fr. "Il y en aura d’autres, ça change des meetings !" plussoie Marine Le Pen, juste à ses côtés. Après 1h30 de discussion - sans aucun débat -, les quelques journalistes présents recueillent les impressions des retraités. Mais il faut faire vite, le déjeuner attend. 20 minutes, montre en main. Comme si les questions ne faisaient pas vraiment partie du programme….