"La situation était suffisamment grave pour que je dise aux Français ce qu'il en était de l'instrumentalisation politique d'une partie de la justice aujourd'hui". Nicolas Sarkozy, mis en examen dans la nuit pour corruption active, trafic d'influence actif et recel de violation du secret professionnel dans le dossier des écoutes téléphoniques, était mercredi, à 20h, l'invité exceptionnel d'Europe1 et de TF1. L’ancien chef de l’Etat l’assure : il n’a rien à se reprocher. "Ces motifs ont été retenus dans le seul souci de la continuation d’humilier, de m’impressionner, de m’empêcher, de me diffamer", accuse-t-il.
Voici ce qu’il faut retenir de l’interview :
Le temps de l’explication… L’ancien président avait avant tout un message à faire passer : celui de son innocence. Et il n’a pas hésité à prendre les Français à témoin. "Les Français doivent juger de la réalité. Tout est fait pour donner une image de moi qui n'est pas conforme à la réalité. Je veux dire à ceux qui nous écoutent et ceux qui nous regardent : je n'ai jamais commis un acte contraire aux principes républicains ou à l'Etat de droit".
Nicolas Sarkozy l'assure : "je ne demande aucun privilège". "Et si j'ai commis des fautes, j'en assumerai les conséquences. Je ne suis pas un homme qui fuit ses responsabilités", insiste-t-il. "S’agissant de ma mise sur écoute, les Français doivent la comprendre. J’ai été mis sur écoutes en septembre 2013, pour des faits supposés d’argent versé par monsieur Kadhafi … absurdes… en 2007, qu’espérait-on revoir de ces écoutes ? Que Monsieur Kadhafi, d’où il est, me téléphona ?", a ironisé l’ancien président, pour qui on le met en examen "sans aucune preuve". Nicolas Sarkozy affirme même que lorsqu'il est entré dans le bureau des juges ("les deux dames, dixit Nicolas Sarkozy), la nuit dernière, "il ne connaissait même pas le dossier".
… Et de la dénonciation. Je suis innocent, mais attaqué quand même, affirme donc l’ancien président. Et l’explication de cet apparent paradoxe tient selon lui en un mot, qui est revenu à plusieurs reprises tout au long de l’interview : "instrumentalisation". Selon Nicolas Sarkozy, tout l'exécutif est au courant, voire impliqué, dans les dossiers le concernant. "Madame Taubira, Garde des Sceaux, a été convaincue de mensonges lorsqu'elle a dit qu'elle n'était pas au courant. Monsieur Valls a menti lorsqu'il était ministre de l'Intérieur. Aujourd’hui il dit : 'les faits qui lui sont reprochés sont très graves, mais qu'en sait-il ? A-t-il eu les juges au téléphone ? Lui a-t-on fait un rapport ? Il aurait dû dire : ‘les faits supposés‘", a martelé l'ancien chef de l'Etat.
Nicolas Sarkozy s’en est également pris à Michel Sapin, ministre des Finances, qui a déclaré dans une "interview stupéfiante de sincérité", ironise-t-il encore : "Sarkozy, mais on va s’en occuper". L’ancien président fait ici référence à une interview de Michel Sapin, le 13 mars sur Europe1. Il s’était alors livré à un embarrassant lapsus : "on finit l’histoire ? Au début, il y a des enquêtes contre Nicolas Sarkozy, à la fin, il y a des enquêtes contre Nicolas Sarkozy. Et on va s’occuper des enquêtes de Nicolas Sarkozy…" Le ministre s’était toutefois repris : "enfin, les juges vont continuer à s’occuper des affaires de Nicolas Sarkozy".
Mais Nicolas Sarkozy ne s’arrête pas là, puisqu’il va jusqu’à accuser François Hollande d’avoir orchestré une enquête interne, à l’Elysée, sur son prédécesseur. "Quant à monsieur Hollande, ses collaborateurs se sont livrés à une exploitation éhontée de mes archives, en violation de toutes les règles républicaines", a accusé l’ancien chef de l’Etat. Selon lui, l’ancien directeur du service informatique de l’Elysée a même été remercié "pour avoir refusé de donner le disque dur de mon ordinateur".
"Humilié". Cette implication du politique fait que, selon Nicolas Sarkozy, son cas n’a pas été traité comme celui des tous les justiciables. "Il y a eu une volonté de m’humilier en me convoquant sur le statut de la garde à vue qui n’est pas un statut normal. Monsieur Cahuzac, le ministre du Budget de Monsieur Hollande, qui était en charge de la lutte contre la fraude fiscale et à qui on a découvert un compte en Suisse, n’a pas fait une seconde de garde à vue", a-t-il dénoncé.
EXTRAIT - Nicolas Sarkozy : "Je suis...par Europe1fr"Est-il normal que je sois placé en garde à vue pendant 15 heures. Ne pouvait-on pas me convoquer pour que je réponde aux questions des juges ? Devais-je absolument avoir rendez-vous avec les deux dames qui m’ont donné rendez-vous à deux heures du matin cette nuit, après 14 heures d’interrogatoire par les policiers ?", s’est encore indigné l’ancien président.
Nicolas Sarkozy l’assure, c’est même ce traitement qui l’a conduit à s’exprimer : "la nuit dernière qui me fut réservée m'a convaincu de m'exprimer ici et maintenant. Je suis profondément choqué de ce qui s'est passé".
Quid de l’affaire Bygmalion ? Concernant la surfacturation, par l’UMP, d’évènements à l’agence Bygmalion pour couvrir les comptes de la dernière campagne présidentielle, là encore, Nicolas dément en bloc être sorti du cadre. "Cette campagne a été vérifiée dans tous les sens, avec un soin qui n’avait rien d’amical, par la commission des comptes de campagne et par le Conseil constitutionnel", a-t-il assuré. "Les Français doivent savoir que lorsque le Conseil constitutionnel, pendant plusieurs mois, a examiné les comptes de ma campagne, quand mon équipe de campagne a oublié d’inscrire le plateau-repas d’un chauffeur d’une des voitures, il l’a réintroduit", martèle l’ancien président.
Et Nicolas Sarkozy d’insister : "ils ont conclu que nous avions dépassé, sur un budget de 21 millions, de 400.000 euros. En vertu de quoi, pour la première fois dans l’histoire de la République, alors que j’avais rassemblé sur mon nom près de 19 millions d’électeurs, nous n’avons pas eu un centime de remboursement. Personne ne peut imaginer que les enquêteurs aient pu passer à côté de quelque chose". Le candidat déchu de 2012 dément ainsi son ancien directeur-adjoint de la campagne, Jérôme Lavrilleux, qui avait lui-même avoué : "j’ai fait des fausses factures". Nicolas Sarkozy reste ferme : "quand on n’a rien à se reprocher, quand on a son innocence et la certitude de son innocence, on n’a pas peur de s’expliquer".
Va-t-il revenir en politique, et briguer la présidence de l'UMP ? Pas de réponse, en tout cas pour l'instant. "J’ai longuement réfléchi à ces questions. La question de savoir si on renonce ne se pose pour moi. Pourquoi ? Parce que vis-à-vis de son pays, on a des devoirs, on n’a pas des droits. Je regarde avec consternation la situation de la France, l’état de la France, et je connais l’inquiétude des Français, et leurs souffrances. J’aurais à décider, après un temps de réflexion, à la fin du mois d’aout, au début du mois de septembre, de ce que je devrais faire".
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