Le duel télévisé entre François Hollande et Nicolas Sarkozy a tourné, mercredi soir, à l'affrontement avec un candidat socialiste offensif et un président sortant s'efforçant de "maîtriser son impulsivité". Qui dans ce duel direct et frontal a su tirer son épingle du jeu ? Qui a gagné le match ? Europe1.fr a posé la question à deux politologues, Frédéric Dabi, directeur adjoint de l’Ifop et Arnaud Mercier, chercheur en communication politique au CNRS et à l'université de Metz.
>> Question charisme
"Dans un débat très tendu - on n’en avait pas vu de la sorte depuis 1988 - deux boxeurs se faisaient face : "un attaquant" Nicolas Sarkozy et "un contreur" François Hollande", analyse d'abord Frédéric Dabi, notant que le combat entre les deux challengers a été frontal."Vu sa position défavorable dans les sondages, Nicolas Sarkozy a pris des risques et attaqué frontalement François Hollande", qui ne s'en est pas laissé conter, précise-t-il.
Mais dans ce duel d’une intensité inattendue, "François Hollande s’est montré tout particulièrement assuré dans sa tirade sur le 'Moi, président de la République', ["Moi, président de la République, je ne traiterai pas mon premier ministre de collaborateur", "Moi, président de la République, etc."]", estime, pour sa part, Arnaud Mercier.
"Cette anaphore a été un point fort du débat et il est assez étonnant que Nicolas Sarkozy n’ait pas essayé d'interrompre Hollande dans sa dynamique, qu’il ne soit pas intervenu pour casser son effet", explique-t-il encore. "Notamment parce qu'il connaît très bien les ressorts de cette figure de style. Dans ces discours, sa plume Henri Guaino use et abuse de cette figure de style".
>> Sur la forme
"François Hollande lors de sa prise de parole regardait Nicolas Sarkozy dans les yeux. C’était très clair, très net", note Arnaud Mercier. En revanche, selon l'universitaire, "Nicolas Sarkozy regardait de biais les journalistes. Il était d’oblique, presque en retrait. Comme si le candidat socialiste dominait par le regard."
>> Concernant la clarté sur les débats de fond
"Comme en 1981, les deux candidats avaient des programmes très différents. Il y avait de vraies divergences entre eux", indique d'abord Arnaud Mercier qui estime que, "dans chaque camp, UMP et PS, les sympathisants pourront penser que leur poulain a fait le job, a bien exposé sa vision des choses."
"Au final, ce débat était un condensé de la campagne, Nicolas Sarkozy se montrant très assuré sur le passage sur l’immigration, François Hollande prenant l’avantage sur sa vision de la France et de la justice sociale", renchérit Frédéric Dabi. "Du côté de la stratégie, Nicolas Sarkozy avait pour ambition de rappeler que son challenger était une girouette, tandis que François Hollande partait du postulat - partagé par les Français dans les enquêtes d’opinion - que le bilan des cinq dernières années est mauvais", ajoute le sondeur.
D'ailleurs, "en pilonnant le bilan de son adversaire, François Hollande a mis Nicolas Sarkozy dans une position où il ne pouvait défendre que son quinquennant passé… son passif. Il n'a quasimement pas pu parler de son nouveau projet", conclut Arnaud Mercier.
>> Le bilan
"On peut dire qu’aucun des deux challengers n’a mis l’autre K.O. Ni François Hollande, ni Nicolas Sarkozy n’a pris un ascendant clair", estime Frédéric Dabi, tandis qu’Arnaud Mercier juge que "François Hollande était un peu au-dessus de son adversaire. Ce résultat est, d'ailleurs, largement dû à une erreur de communication du camp Sarkozy. L’entourage du président-sortant n’a eu de cesse de rappeler que le candidat PS ne saurait pas se défendre, qu’il avait un côté "mou", "flanby". Dès lors que François Hollande résistait, ne s’effondrait pas, il déjouait leurs pronostics. Il avait gagné".
"Or, mercredi soir, François Hollande a fait plus que résister. Il s’est montré très pugnace. Comme le résumait un des meilleurs tweets de la soirée : 'on peut se casser les dents sur un Flanby' !", ajoute, avec ironie, l'universitaire. "A noter que François Hollande a pu paraître un peu agressif en interrompant trop régulièrement son adversaire", tempère-t-il.