"Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu'il faudra, mais ça sera nettoyé". Cette phrase a été prononcée par Nicolas Sarkozy le 19 juin 2005, dans la cité des 4.000 à la Courneuve, après la mort de Sid-Ahmed Hammache, un enfant de 11 ans tué d'une balle au bas de son immeuble, victime d'une rixe entre deux bandes.
Face aux habitants, le locataire de la Place Beauvau n’hésite pas à employer un langage manichéen, basé sur l’opposition des adjectifs : "Ceux qui ne respecteront pas la loi, on les tapera durs. Ceux qui veulent s’en sortir, on les aidera forts" martèle le ministre de l’Intérieur.
La polémique
Les images font alors la une des JT. La phrase est reprise en boucle. L’expression déclenche un tonnerre de critiques, allant de l'ensemble des partis de gauche aux syndicats de magistrats, en passant par les associations antiracistes. Nicolas Sarkozy est accusé d’utiliser une rhétorique proche de celle d’extrême droite. "Le mot de nettoyage est un mot historique lourd de sens dont il faut éviter l'usage", commente par exemple le président de l'Union syndicale des magistrats, Dominique Barella. Même au sein du gouvernement, la phrase fait débat. Azouz Begag, alors secrétaire d’Etat à l’Egalité des chances, désapprouve publiquement la sortie de son collègue à l’Intérieur. Le député UMP du Vaucluse, Thierry Mariani, assure lui une défense appuyée au chef de l’Etat, estimant que "pour montrer sa volonté, il faut prendre un vocabulaire fort".
"Je ne retire rien"
Mais Nicolas Sarkozy assume sa salve sécuritaire. Interpellé quelques jours plus tard à l'Assemblée sur le sujet, il persiste et signe : "Il faut nettoyer le quartier des trafics et des délinquants réitère t-il. Avant d’ajouter : "Je ne retire rien. Je ne regrette rien. Je ferai ce que j’ai dit et nous aurons des résultats. Cela prendra le temps qu’il faudra. Le terme "nettoyer" s’applique parfaitement à ceux qui sont capables de tuer un petit garçon de 11 ans".
Vocabulaire volontairement trash, attitude offensive, l’expression a marqué les esprits. Au point d’être aujourd’hui complètement associé au chef de l’Etat. Du moins à sa politique sécuritaire, comme peut l’être le "travailler plus pour gagner plus". Au-delà de l’expression, le ministre de l’Intérieur invoque, pour la première fois, ce jour là, le droit à la sécurité, une notion qu’il reprendra pendant la campagne présidentielle de 2007.
Une phrase "culte"
Depuis, l’expression est resté gravée dans les esprits. Et a été convoquée par d’autres, à bon ou à mauvais escient. Le 11 janvier 2010, la lieutenante Fadela Amara a repris l’expression à son compte dans une interview donnée au Progrès. "Il faut nettoyer au kärcher cette violence qui tue nos enfants dans les cités", avait lancé l’ancienne présidente de Ni Putes ni Soumises, en réaction à la mort d’un adolescent de 12 ans tué dans une fusillade en plein jour.
Signe que l'expression est entrée dans l'imaginaire collectif, Ségolène Royal l'a récemment utilisé pour mieux ironiser sur la politique du chef de l’Etat : "N'est-ce pas Nicolas Sarkozy qui, il y a quelque temps, parlait de nettoyer les banlieues au Kärcher ? Vous imaginez, il en faudrait sans doute plusieurs, là, pour nettoyer ce qui se passe aujourd'hui au niveau du système Sarkozy", avait affirmé l’ex-candidate à la présidentielle, dans un entretien accordé à Public Sénat.