Il avait reçu le sobriquet affectueux de "Gros quinquin", en référence à la célèbre chanson ch'ti du " P'tit Quinquin". Pierre Mauroy s'est éteint vendredi, à l'âge de 84 ans, cinq jours après avoir été hospitalisé à Paris. Dans l'hommage qu'ils lui ont rendu, tous les socialistes sont unanimes sur un point : l'homme est resté fidèle à ses idéaux de jeunesse.
Bercé par Jules Guesde et Jean Jaurès
Politique au caractère fonceur et têtu, Pierre Mauroy a incarné jusqu'au bout la conscience de gauche du PS. "Il était socialiste et il voulait que la justice sociale puisse inspirer tous ses actes, il ne trompait pas, il ne mentait pas, il allait jusqu'au bout de ses convictions en prenant la réalité telle qu'elle était", a déclaré le président François Hollande. Durant la campagne présidentielle de 2002, l'ancien Premier ministre a été l'un des rares à tirer la sonnette d'alarme auprès de Lionel Jospin, alors candidat à la présidentielle, l'exhortant à ne pas "oublier les ouvriers et les travailleurs".
Né le 5 juillet 1928 à Cartignies, dans le Nord, fils d'instituteur et petit-fils de bûcheron, Pierre Mauroy est nourri au lait du socialisme, bercé par le souvenir de Jules Guesde et de Jean Jaurès. A 16 ans, il adhère aux Jeunesses socialistes dont il devient secrétaire général en 1955. Il fonde alors les foyers Léo-Lagrange pour favoriser l'accès des classes populaires à l'éducation et aux loisirs.
La rencontre avec Mitterrand
Le parcours politique de Pierre Mauroy est indissociable de François Mitterrand. En 1965, le candidat unique de la gauche contre le général De Gaulle à la présidentielle tient meeting à Lille. Les deux hommes font connaissance après le raout dans le train du retour Lille-Paris. Le congrès socialiste d'Epinay en 1971 signe le début de son alliance avec François Mitterrand. Mauroy lui apporte les voix du Nord et Mitterrand prend la tête du PS. Après la victoire de Valéry Giscard d'Estaing, en 1974, Pierre Mauroy se rapproche de Michel Rocard, plus européen, qui l'entraîne dans sa défaite face à François Mitterrand, lors du congrès socialiste de Metz, en 1979.
Mitterrand lui pardonnera. Après avoir été nommé porte-parole de la campagne présidentielle du candidat socialiste, Pierre Mauroy devient en 1981 le premier Premier ministre de gauche de la Ve République. Il met en oeuvre le "changer la vie" prôné par le Parti socialiste : réformes sociales, décentralisation, nationalisations, abolition de la peine de mort. "Je suis fier d'avoir réalisé 93 des 110 propositions du programme de Mitterrand", confiait-il sur Europe 1, le 5 octobre 2012.
Devant la menace de faillite économique - déficits publics et poursuite de l'inflation -, Pierre Mauroy assume le tournant de la rigueur en 1982 et 1983, auquel se résout à regret Mitterrand. En juillet 1984, épuisé, il démissionne à la suite de l'échec du projet de loi Savary sur la réforme de l'école privée. L'homme restera très proche de François Mitterrand. Dans ses "Mémoires" parues en 2003, celui qui a dirigé la mairie de Lille pendant 28 ans écrira qu'il n'a eu qu'un désaccord dans sa vie avec le président socialiste : le remboursement de l'IVG, auquel il est favorable contre l'avis du chef de l'Etat, soucieux de ménager l'électorat catholique en pleine guerre scolaire.
"Passons puisque tout passe"
Après Matignon, Pierre Mauroy se replie dans sa ville de Lille, dont il a été maire de 1971 à 2001. Une fonction qu'il remplit avec bonheur. "Ce que j'aurai préféré dans ma vie, c'est être maire de Lille", confiera t-il dans son livre. En 2001, après 28 ans de règne, il cède la mairie de Lille à Martine Aubry. Pour son dernier et 182e Conseil municipal, Pierre Mauroy, très ému, cite quelques vers du poète Guillaume Apollinaire : "Passons puisque tout passe, nous nous retournerons souvent".