Le résultat de l’élection législative partielle dans le Lot-et-Garonne, dimanche dernier, a aiguisé les appétits du Front national. Voir des électeurs socialistes préférer son candidat au candidat de l’UMP donne de vifs espoirs à Marine Le Pen en vue des élections municipales de 2014. Car le FN ne fait plus peur. Pour preuve, des militants, venus de la gauche comme de la droite "classique", ont accepté l’investiture frontiste. Explications.
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Qui sont-ils ? Selon un document interne qui a fuité dans la presse, ils seront une trentaine - sur 493 têtes de listes investis par le FN sur l’ensemble du territoire – à défendre les couleurs du Rassemblement Bleu Marine (RBM), une association loi 1901 présidée par marine Le Pen visant à réunir l’ensemble des patriotes. "Le mouvement s’accélère, s’amplifie de jour en jour et, si on rajoute les colistiers, on sera largement au dessus d’une trentaine", confie à Europe1.fr Steeve Briois, membre de la commission d’investiture du FN. Selon le site du Point, 13 d’entre eux sont issus de l’UMP, comme Adrien Mexis, tête de liste à Istres, Philippe de La Grange, candidat au Luc (Var), Catherine Rouvier, tête de liste à Aix-en-Provence, Jean-Bernard Formé, tête de liste à Lorgues (Var) ou Marie-Anne Baudoui-Maurel (photo), ex-présidente de l'association des Amis de Nicolas Sarkozy qui se présentera à Digne-les-Bains.
Le Parti socialiste n’échappe pas à cette nouvelle "tendance". Sept candidats frontistes sont en effet issus de ses rangs, parmi lesquels Antoine Ibba, tête de liste à Grenay (Pas-de-Calais), Mungo Shematsi à Saint-Martin-d'Hères (Isère) ou l'ex-conseiller municipal Daniel Gest à Outreau (Pas-de-Calais). Plus "attendu", 13 militants de l’UMP ont rejoint le camp du FN. Attendu car tous les sondages le montrent : les électeurs de l’UMP sont majoritairement favorables à un rapprochement avec le FN. La ligne officielle du parti est pourtant tout autre : "nous ne ferons jamais d'alliance avec le FN", répète dans tous ses discours Jean-François Copé. Ceux qui ont désobéi ont été exclus ou suspendus manu militari. Un hiatus idéologique qui pousse donc certains à quitter les rangs du principal parti d’opposition pour suivre le chemin de Marine Le Pen
Pourquoi rejoignent-ils le Front national ? Pierre-Jean Robinot partageait "des idées communes" avec François Bayrou, "mais le MoDem est en déconfiture". Alors ce commerçant de 48 ans, contacté vendredi par Europe1.fr, a décidé de représenter le RBM aux prochaines municipales, à Epinal, dans les Vosges. "Avec le recul, je me suis rendu compte que le PS et l’UMP ne pouvait plus rien pour notre pays. Le seul à offrir une autre direction possible, c’est le FN".
L’opération de dédiabolisation initiée par Marine Le Pen depuis qu’elle a succédé à son père commence à porter ses fruits. "Je n’aurais JAMAIS rejoint le FN de Jean-Marie Le Pen, mais le parti a changé. C’était un parti de mécontents, c’est devenu un parti d’adhésion", estime notre ancien militant centriste. Mungo Shematsi ne le contredit pas. Ce réfugié politique d'origine congolaise, jusqu’ici militant socialiste, a franchi le Rubicon lui aussi. "Quand j'étais encarté au PS, je pensais que le FN était raciste, mais ce n'est pas le cas, car j'ai trouvé des gens normaux", a-t-il expliqué au Point.fr.
Comment sont-ils recrutés ? C’est parmi les déçus de la majorité socialiste et les orphelins de Nicolas Sarkozy que le Front national trouve son terreau le plus fertile. Les difficultés économiques du gouvernement, et le désastreux spectacle donné par Jean-François Copé et François Fillon, l’hiver dernier, facilitent grandement le travail des troupes de Marine Le Pen. "Les fédérations locales prospectent, cherchent à dénicher des personnalités qui partagent nos idées. Mais nous enregistrons principalement des démarches volontaires. Ce fut notamment le cas de Marie-Anne Baudoui-Maurel, qui nous a contacté, et que nous avons décidé d’investir", explique Steeve Briois (photo ci-dessus), qui évoque aussi "pas mal de propositions de listes communes, notamment venant de l’UMP".
Voir son fils décider de quitter le pays après l’élection de François Hollande a tourmenté Pierre-Jean Robinot. "J’ai eu un déclic après la présidentielle. On fait tout pour faire fuir nos talents ! J’avais deux solutions : partir moi aussi ou m’engager pour mon pays. J’ai alors contacté moi-même le FN. Et à Paris, on a choisi de m’investir moi plutôt que les anciens car mon profil correspond mieux au ‘nouveau FN’", explique-t-il, très remonté contre ces médias "qui nous décrivent comme un parti d’extrême droite, alors que le FN est celui qui rassemble le plus." Et aussi le plus optimiste. Alors que le PS sait déjà qu’il va souffrir et que l’UMP tarde à clarifier sa ligne politique, Marine Le Pen, elle, jubile. "Nous sommes dans un mouvement de fond irréversible, les digues cèdent les unes après les autres", assure la patronne du FN. Réponse en mars 2014.