L’UMP est-elle en pleine crise d’identité ? Effet collatéral du premier tour de la présidentielle, les membres du parti majoritaire ne cessent de se diviser, depuis dimanche, sur l’attitude à adopter face à la montée du Front national. Il y a d’abord ceux, qui comme l’ancien ministre Luc Ferry dans les colonnes de Libération, s’inquiètent ouvertement de la droitisation de leur parti, et ceux, comme les députés de la Droite populaire, qui appellent à une certaine radicalisation du discours.
Au-delà du simple désaccord, l’UMP, parti bâti - jusque dans son ADN - pour centraliser toutes les forces de la droite, voit s’installer de véritables chapelles, des sous-partis. A l’image de la Droite populaire. Ce courant très à droite de l'UMP a décidé aux prochaines législatives de juin prochain, de proposer, à tous les candidats investis par la majorité qui le souhaitent, d’arborer les couleurs d’un "label Droite pop’". Ce label prendra la forme d'un "logo" distinctif - qui remplacera ou s’ajoutera à celui de l’UMP - sur les affiches et tout leur matériel électoral.
Création de chapelles au sein du parti
En somme, pour ces membres de la Droite populaire - dont le ministre des Transports Thierry Mariani, les députés Lionnel Luca et Eric Raoult - le logo UMP ne suffit plus. Notamment quand il s’agit d’aller chercher les 6,4 millions d’électeurs qui ont voté pour Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle.
Ce logo droite populaire, "ce sera une identification. On indiquera ainsi la couleur : nous sommes la vraie droite", a ainsi assuré à Europe1.fr, Lionnel Luca, député et vice-président du Conseil Général des Alpes-Maritimes. "On ne va pas s'excuser d'être de droite, surtout maintenant. Ce n'est pas "le courant humaniste" qui s'est imposé dans les urnes [au premier tour de la présidentielle] que je sache !", a encore fustigé le député, pointant du doigt un autre courant de l'UMP, les "Humanistes" de Jean Leonetti.
Puis, "il s’agit moins d’aller chercher les électeurs de tel ou tel que de ne pas laisser partir les nôtres !", a encore insisté Lionnel Luca qui assure qu’en cas de duel PS/FN au second tour des législatives, il "ne fera pas comme Chantal Jouanno". "Moi, je ne voterai pas ‘socialiste’ et je peux vous dire que la Droite populaire ne votera jamais ‘socialiste’", a-t-il insisté.
Bref, la Droite populaire, au sein de l’UMP, entend répondre à ses propres consignes, à ses propres règles. Plus qu’un courant, elle entend devenir un sous-parti, capable de s’opposer au cœur de l’UMP à tout ce qui n’est pas la "vraie droite", ceux par exemple, qui en cas de duel FN/PS, choisissent de ne "jamais de voter FN". C’est le cas des anciennes ministres Chantal Jouanno et Rachida Dati.
2007 est bien loin
Bref, pour l’UMP, les années 2006-2007 semblent très loin. "Il y avait alors une dynamique positive, de convergence des personnalités centristes et même villepinistes derrière Nicolas Sarkzoy. L’organisation UMP avait aspiré toutes les sensibilités. Ce n’est plus le cas", explique à Europe1.fr le politologue Stéphane Rozès, fondateur de CAP.
Aujourd’hui, outre la Droite populaire, une bonne partie des centristes ont déjà fait sécession dans le sillage de Jean-Louis Borloo. "Ce sont toutes des personnalités et des sensibilités insatisfaites qui ont décidé de se faire entendre comme bon leur semble", analyse Stéphane Rozès, qui estime que cette mozaisation du parti n’est pas un mouvement voulu. "Ce n’est pas pensé", explique-t-il.
Comment siégeront-ils en juin ?
Avec cette droitisation et ceux qui la refuse, "il y a aujourd’hui une vraie mise à mal de l’édifice de l’UMP, tel que Alain Juppé et Jacques Chirac l’avait voulu et construit », note aussi Frédéric Dabi, directeur adjoint de l’Ifop.
En 2002, "à l’époque de la formation du parti, explique-t-il à Europe1.fr, les deux hommes avaient voulu mettre fin à ‘la droite la plus bête du monde’, celle qui se divise. Ils avaient alors formé un grand parti de droite, comme en Allemagne, qui rassemblait alors toutes les chapelles. Or aujourd’hui, on assiste au mouvement inverse".
Face à "cette crise d’identité", l’UMP risque-t-elle de se déliter ? "Ce n’est pour l’instant qu’une hypothèse », répond Frédéric Dabi qui estime que "le juge de paix, ce sera le niveau de la droite à la fin des législatives. Que feront les députés de l’UMP s’il y a, par exemple, "une vague rose" ? Comment décideront-ils de siéger à l’Assemblée nationale ? Les centristes avec la Droite populaire ou séparément ?". La réponse en juin prochain. Dans un mois et demi.