Le président de la République a été interviewé par Michel Denisot, Claire Chazal et David Pujadas pendant une heure et demie, mardi soir, sur France2, TF1 et Canal +, au lendemain du remaniement.
Le gouvernement Fillon III
Le remaniement. "Le choix d'un Premier ministre n'est pas un choix de confort", a déclaré Nicolas Sarkozy au sujet de la re-nomination de François Fillon à Matignon. "Il est le choix de la stabilité dont la France a besoin", a-t-il ajouté, précisant que ce gouvernement Fillon III ira jusqu'au bout du quinquennat. "J'ai pensé que François Fillon était le meilleur" pour le poste de Premier ministre, a-t-il indiqué. "Il est le meilleur Premier ministre pour la France", a encore martelé le chef de l'Etat avant d'ajouter : "nous travaillons ensemble sans le moindre nuage depuis plusieurs années".
Jean-Louis Borloo. L'ancien ministre de l'Ecologie avait été pressenti pour occuper le poste de Premier ministre. Nicolas Sarkozy a salué son travail, notamment au moment de la gestion de la catastrophe Xynthia, ajoutant : "n homme comme Jean-Louis Borloo est un homme de très grande qualité. J'aurais d'ailleurs souhaité qu'il restât" au gouvernement.
Les sujets qui fâchent
L'immigration. Au sujet de l'immigration, le chef de l'Etat a tenu à souligner que "si on ne maîtrise pas les flux migratoires, on organise le "collapse" (l'effondrement) de notre système d'intégration", avant d'insister sur la politique de la ville. Le président entend ainsi lutter contre "ces ghettos au bord de nos villes". Nicolas Sarkozy a également souligné que s'il avait "renoncé à l'identité nationale comme mots parce que cela avait créé des problèmes, sur le fond des choses [il] n'y renonce pas".
La réforme des retraites. "Il n'y a pas eu de violences", a lancé le chef de l'Etat au sujet de la réforme des retraites et des différentes journées de mobilisation, allant même jusqu'à saluer les syndicats qui ont été "responsables". "Si nous n'avions pas conduit cette réforme, pensez-vous que le climat social se serait amélioré", s'est-il interrogé. Le président a toutefois critiqué l'appel à manifester lancé aux lycéens par "certains partis politiques". "Je ne pense pas que cela soit très responsable".
Au sujet de l'impopularité de la réforme, Nicolas Sarkozy s'est défendu en répondant que "l'affaire des retraites n'était pas une question de popularité, ni de préparation de 2012". Le président, qui fut souvent pris à partie lors des manifestations, a jugé normal de subir la mauvaise humeur des gens, étant donné sa position. "C'est normal qu'en période de crise, et nous avons connu une crise (...), c'est normal que le président, qui est responsable, soit celui qui porte la colère, l'inquiétude, la mauvaise humeur", a-t-il déclaré.
Les réformes au programme
La dépendance. Nicolas Sarkozy a annoncé une "grande consultation" durant six mois sur une réforme de la dépendance des personnes âgées et des "décisions à l'été 2011". Il s'agit d'un des prochains gros chantiers de Nicolas Sarkozy après la réforme des retraites. Le coût de la dépendance se chiffre déjà à 20 milliards par an, sans compter l'aide des familles, estimée à 7 milliards par an. La facture devrait grimper de 40% d'ici 2025. Système d'assurance obligatoire, incitation fiscale et hausse de la CSG font partie des principales pistes de réflexion.
La fiscalité. "On va vers une suppression du bouclier fiscal, de l'ISF", a annoncé Nicolas Sarkozy, ajoutant qu'"un nouvel impôt sur le patrimoine" serait créé. Le président de la république a, néanmoins, insisté sur le fait qu'il "n'y aura pas d'augmentation d'impôts". A sujet de l'emploi, le chef de l'Etat a déclaré que "le chômage reculera l'année prochaine. Ce sera un engagement total du gouvernement".
La justice. Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il allait demander à François Fillon et à Michel Mercier, le nouveau garde des Sceaux, de réfléchir à une réforme de la Justice. Avec un projet phare, qu'Europe 1 révélait il y a quelques semaines : intégrer un jury populaire dans les tribunaux correctionnels. Mais il a aussi indiqué qu'il souhaitait que des jurés soient présents aux côtés des juges d’application des peines pour les libérations conditionnelles.
L'emploi
Le contrat de transition professionnelle. Il doit être étendu à tous les licenciés économiques. Le CTP prévoit le maintient du salaire net pendant un an avec obligation, en échange, d'accepter une formation qualifiante ou un emploi dans autre métier. Nicolas Sarkozy demande aux partenaires sociaux d'y travailler à l'occasion de la négociation sur l'assurance chômage qui va démarrer dans quelques semaines.
L'emploi des jeunes. Nicolas Sarkozy a annoncé le doublement des contrats de formation en alternance pour favoriser l'emploi des jeunes. On en dénombre actuellement 600.000, sachant que les jeunes qui en bénéficient "ont 70% de chance de trouver un emploi", a assuré le chef de l'Etat.
Les affaires Woerth et d'espionnage
Eric Woerth. Le ministre du Travail n'a pas été reconduit dans le nouveau gouvernement de François Fillon. Une décision qui n'a pas de lien direct avec sa mise en cause dans l'affaire Bettencourt, a tenu à souligner Nicolas Sarkozy, qui a tout de même reconnu qu'il ne voulait pas avoir à gérer des "rendez-vous judiciaires inévitables". Eric Woerth "est un homme que je connais, que j'apprécie. C'est un homme profondément honnête je vous le dis. Et quand il sera sorti de ses problèmes personnels j'espère qu'on pourra retravailler ensemble", a déclaré le chef de l'Etat. Selon le président de la république, c'est Eric Woerth qui a préféré quitter le gouvernement, estimant qu'"il lui serait plus facile de se défendre s'il n'était plus ministre". Eric Woerth avait exprimé son souhait de rester au gouvernement dimanche matin.
L'espionnage. Au sujet des accusations de Mediapart, Nicolas Sarkozy a assuré que "jamais, à aucun moment, d'aucune façon", il ne s'était préoccupé "d'espionner des journalistes", à propos d'une enquête policière pour identifier une source du journal Le Monde dans l'affaire Bettencourt. Interrogé pour savoir s'il estimait possible que des services de police aient pu violer la loi, il a répondu : "Non. Je ne l'imagine pas, je ne le crois pas et de surcroît, cela ne servirait à rien parce que tout se sait et parce que ce qu'un journaliste pense, il l'écrit." Interrogé sur l'affaire de vols d'ordinateurs et de documents de journalistes enquêtant sur l'affaire Bettencourt : "Pourquoi me concernerait-elle? Vous voulez que je m'en occupe? De savoir si un de vos confrères a perdu son portable ou son ordinateur ou s'il se l'est fait voler?" "Dans le cadre d'une procédure judiciaire, pour violation du secret de l'instruction, qu'un juge ou le procureur de la République, demandent (ndlr: l'analyse des factures détaillées), dans le cadre d'une action judiciaire, peut-être. C'est leurs affaires. Ce n'est pas la mienne", a-t-il toutefois ajouté.
La France et l'étranger
Les otages français. Nicolas Sarkozy a renouvelé l'appel à la prudence pour certaines zones, notamment au Mali ou au Niger. "Je suis spécialement inquiet pour nos otages au Mali qui ont été pris en otage par une bande appartenant à Aqmi", a-t-il dit. "Ce sont des sujets extrêmement complexes. Nous sommes extrêmement vigilants. Tout ce qui doit être fait pour assurer la sécurité des Français est mis en œuvre, mais nous ne céderons pas", a tenu à souligner le chef de l'Etat.
Le G20. Le président a déclaré qu'il entendait profiter de la présidence française du G20 pour mener à bien la création d'un "nouveau système monétaire international" pour mettre fin à la "pagaille" sur le marché des changes. "La France doit montrer l'exemple sur la taxation des transactions financières" pour financer le développement de l'Afrique, a-t-il ajouté.
L'horizon 2012
L'élection de 2012. "Je n'ai pas pris ma décision de me présenter en 2012", a expliqué Nicolas Sarkozy, précisant qu'il la prendrait "peut-être à l'automne 2011.