L'équipe nationale d'Algérie a connu son heure de gloire dans les années 1980, avec deux troisièmes places lors du championnat d'Afrique des nations (1984 et 1988) et deux présences consécutives en Coupe du monde (1982 et 1986). Près de trente ans après, les témoignages de trois anciens internationaux jettent un voile noir sur cette période.
Depuis début novembre, Mohamed Kaci Saïd, Mohamed Chaïb et Djamel Menab ont pris la décision de populariser leur combat : celui d'anciens joueurs parents d'enfants handicapés. Dans leurs témoignages, ceux-ci établissent un lien avec les produits qu'ils ont absorbé lors de leur période d'activité en équipe nationale. Quatre autres joueurs (Taj Bensaloua, Mehdi Cerbah, Abdlekader Tlemçani et Salah Larbès), qui n'ont pas souhaité s'exprimer, ont connu le même malheur.
"On se relaie pour les changer, les déplacer"
"Toutes nos tentatives et entreprises pour savoir la vérité sur le lien qui peut exister entre la maladie de nos enfants et notre statut de footballeur d’élite, donc d’internationaux, se sont heurtées à un mur de silence. Aujourd’hui, nous avons décidé de le briser en vous prenant, à travers vous l’opinion nationale, comme témoin de notre drame", a expliqué au quotidien El Watan Mohamed Chaïb, lors de son discours, dimanche, devant l'Association des anciens internationaux de football (AAIF).
L'ancien Fennec est père de trois filles handicapées. "Depuis leur naissance, moi et leur mère, on se relaie pour les changer, les déplacer, en chaise roulante. On est aux côtés d’elles H24." Djamel Menad a eu également une fille handicapée, "qui ne peut pas vivre sans ses médicaments". Ces déclarations ne "surprennent pas" le Dr Jean-Pierre de Mondenard, auteur l'an dernier de l'ouvrage Dopage dans le football.
"On parle toujours des effets collatéraux du dopage sur le dopé, et on ne parle jamais des effets du dopage sur la descendance. Or, un certain nombre de substances (alcool, amphétamine, cannabis, cocaïne, diurétiques, nicotine) ont des effets tératogènes, occasionnant des malformations de l'embryon lors de son développement", explique ce spécialiste du dopage, interrogé par Europe1.fr. Il est acté que plusieurs athlètes dopés d'ex-Allemagne de l'Est ont eu des enfants qui ont souffert de malformation à la naissance.
Des soupçons sur un entraîneur russe
Les joueurs de l'équipe d'Algérie auraient-ils pu être victimes du même genre de programme que les athlètes est-allemands ? "Deux étrangers, le Russe Guenadi Rogov et le Yougoslave Zdravko Rajkov, avaient en charge les Verts (sur la période)", explique Les Dernières nouvelles d'Algérie. "Le premier, décédé en 2006, a entraîné l'équipe entre 1980 et 1982. Le second est nommé en juillet 1981 pour conduire la sélection vers le Mondial espagnol de 1982. On fera à nouveau appel à Rogov entre octobre 1986 et mars 1988." Entre temps, des médecins algériens ont occupé le poste, précise le quotidien algérien.
Dans un entretien télévisé avec la chaîne tunisienne, Nessma TV, le 7 novembre dernier, cité par les Dernières Nouvelles d'Algérie, l'ancien joueur de l'AS Kabylie dit "se souvenir très bien" du médecin russe. "Il nous donnait des pilules de couleur jaune que nous prenions à l'époque sans savoir quoi que ce soit. Personnellement, je trouvais leur forme un peu bizarre, mais comme le médecin insistait que c'était de simples vitamines, on les prenait alors sans aucune crainte."
Les deux médecins issus de l'ex-bloc soviétique étant aujourd'hui décédés, l'enquête exigée par les joueurs va être difficile à mener. Mais ils sont déterminés à aller jusqu'au bout, à commencer par Mohamed Kaci Saïd : "nous, en tant que parents, nous avons le devoir vis-à-vis de nos enfants handicapés de connaître la vérité".