Après la montée des marches de 82 femmes pour l'"égalité salariale" entre hommes et femmes dans le cinéma samedi à Cannes, 16 actrices françaises noires et métisses ont fait de même mercredi pour dénoncer la sous-représentation des personnes noires dans le 7e Art en France.
Emmenées par Aïssa Maïga, la comédienne à l'origine d'un livre collectif Noire n'est pas mon métier, les actrices françaises ont été accueillies en haut des marches du Palais des festivals par la chanteuse burundaise Khadja Nin, membre du jury de la 71e édition. Pour les photographes, les seize femmes, parmi lesquelles Eye Haidara, Sonia Rolland ou Firmine Richard, ont aussi levé le poing avant de rentrer dans la salle pour la projection du film Burning du Coréen Lee Chang-dong.
Des actrices habillées en Balmain. Pour cette montée des marches symbolique, elles étaient habillées par la maison Balmain, dont le directeur artistique, Olivier Rousteing, est lui-même métis et attaché aux questions de diversité dans la mode. "Malheureusement pour moi, il ne m'a été que trop facile de reconnaître (dans le livre) les commentaires désobligeants, l'ignorance et la discrimination qu'elles ont dû affronter durant leur carrière", a témoigné le créateur dans un communiqué.
"Pas assez africaine pour jouer une Africaine". Dans cet ouvrage, présenté avant le Festival, ces 16 actrices épinglent, citations à l'appui, les clichés et plaisanteries douteuses voire carrément racistes entendues dans l'exercice de leur métier en France. "Heureusement que vous avez les traits fins", "vous parlez africain ?", "trop noire pour (jouer) une métisse", "pas assez africaine pour une Africaine": telles sont les réflexions entendues par exemple par Nadège Beausson-Diagne (Bienvenue chez les Ch'tis, Brillantissime).
Lutter contre "l'invisibilité des personnes de couleur" à l'écran. Cette mobilisation n'aurait sans doute pas eu lieu sans le phénomène #MeToo et la libération de la parole des femmes après le scandale Harvey Weinstein, le producteur hollywoodien accusé de harcèlement sexuel voire de viols par près d'une centaine d'actrices, stars comme débutantes. "J'ai été imprégnée par l'air du temps", a indiqué Aïssa Maïga, elle-même d'origine sénégalaise. La comédienne estime notamment que les quotas pourraient "peut-être devenir une des voies possibles" pour lutter contre la sous-représentation, voire "l'invisibilité" des personnes de couleur à l'écran, et ce même si "le mot fait réagir de façon épidermique".