"Black is black", chantait le groupe de pop-rock Los Bravos en 1966. Pourtant certains noirs le sont plus que d’autres, selon la quantité de lumière qu’ils absorbent et qu’ils réfléchissent. Et si le noir absolu n’existe pas, il y en a un qui s’en approche fortement. Son nom ? Le Vantablack, un matériau réputé pour être le plus noir au monde, car il absorbe 99,96% de la lumière. Il est, à ce titre, particulièrement prisé des artistes… A tel point que le britannique Anish Kapoor, auteur du très décrié "Vagin de la reine" exposé dans le parc du château de Versailles, a décidé d’en acheter les droits exclusifs d’utilisation dans le domaine artistique à l'entreprise anglaise qui le produit, Surrey NanoSystems.
Indignation des artistes. Une initiative qui a provoqué la fureur de ses confrères, dont celle son compatriote Christian Furr, le plus jeune portraitiste de la reine Elisabeth II. "Je n’ai jamais entendu parler d’un artiste qui monopolise un matériau", s’insurge-t-il dans les colonnes du Daily Mail. "Tous les meilleurs artistes sont obnubilés par le noir pur : Turner, Manet, Goya… Ce noir est de la dynamite dans le monde de l’art". Le peintre Shanti Panchal, interrogé par le Telegraph India, "n’a jamais entendu parler de quelque chose d’aussi absurde. Personne ne devrait avoir de monopole dans le milieu de la création et des artistes".
I want clothes made of this: Vantablack is so dark it confuses your eyes pic.twitter.com/caP9NrHOr1
— Maggie Fox (@maggiefox) 20 février 2016
Un aspect "irréel". Pourquoi Anish Kapoor veut-il être le seul artiste à pouvoir utiliser le Vantablack ? Il ne s’est pour l’instant pas exprimé à ce sujet, mais il avait déjà fait part de sa fascination pour ce noir presque parfait en septembre 2014, sur la BBC Radio 4. "Cela ressemble effectivement à une peinture… C’est tellement noir qu’on ne peut presque pas le voir. Ca a une sorte de caractère irréel. Imaginez un espace tellement sombre que quand vous y marchez, vous perdez toute notion de qui vous êtes et de ce que vous êtes…" Même à travers l’écran d’un ordinateur, le Vantablack est impressionnant. Sur la photo ci-dessus, une partie d'une feuille d’aluminium froissée en est recouverte. Les plis sont imperceptibles et le Vantablack fait l’effet d’un immense trou noir. Son créateur Ben Jensen a expliqué dans le New York Times qu’il "reflète tellement peu de lumière que les trois dimensions ont l’air de disparaître".
Plusieurs médias rappellent le précédent d’Yves Klein, qui avait déposé la formule de son célèbre bleu à l’Institut national de la propriété industrielle en 1960. Contrairement à Anish Kapoor, il était lui-même l’inventeur de cette couleur qu’il tenait à protéger.
Un matériau utilisé dans le domaine de la défense. Cette polémique peut faire oublier qu’à l’origine, le Vantablack n’a pas été créé pour l’amour de l’art. Il était destiné à être utilisé dans les domaines de la science et de la défense, notamment dans des avions de combat furtif. Il présente l’avantage de pouvoir les rendre quasiment invisibles. Vantablack est l’acronyme de Vertically Aligned NanoTube Array (rangée de nanotubes alignés verticalement) et de black (noir). Le matériau est constitué de minuscules nanotubes. La lumière est piégée entre ces nanotubes très resserés et rebondit entre eux jusqu’à son absorption. Le montant de la transaction entre l’artiste et la société n’a pas été révélé. Quoi qu’il en soit, cette affaire a provoqué une colère noire dans le monde de l'art.