Ce doit être son grand retour. Cinq mois après la mort de son mari et agent, René Angélil, Céline Dion remonte sur scène dans quelques jours pour une tournée en France et outre-Atlantique. De passage à Paris pour neuf dates, la chanteuse s'est confiée à Europe 1 sur sa vie depuis la disparition de "René", les raisons qui l'on poussée à repartir en tournée et sa vision de la France après les attentats.
Vous avez perdu votre mari il y a quelques mois et vous remontez sur scène, comment allez-vous ?
Ce n'est pas un spectacle comme les autres. Ce n'est pas un album comme les autres. Celui-ci est vraiment unique parce qu'il lance une autre façon de chanter avec René pour qui j'ai chanté toute ma vie. C'est une nouvelle façon d'être avec lui. Je suis peinée de ne pas l'avoir près de moi, mais je suis heureuse savoir qu'il ne souffre plus. Je suis émue du soutien du public.
Le terrorisme a frappé la France lourdement au mois de novembre et quelques jours après votre arrivée à Paris deux policiers ont été assassinés, que ressentez-vous de cela ici en France ?
Je crois que c'est un problème mondial. Je pense que tout le monde a souffert pour vous [après les attentats de novembre]. Les gens ont peur, nous avons tous peur. Il se passe des choses partout dans le monde et malheureusement on se dit qu'il faut être au courant, qu'il faut être intelligent. On ne peut pas arrêter de vivre, il faut rester positif, il faut croire aux rêves. Est-ce à Orlando, est-ce ici ? C'est partout. On ne peut plus contrôler ce qu'il s'est passé hier, on ne peut pas savoir non plus ce qu'il se passera demain, mais au jour le jour il faut vraiment se convaincre qu'il y a des changements positifs qui se passeront et que le meilleur reste à venir. Il faut méditer, prier, et se convaincre que ça arrivera.
A Paris je sens [le poids de ces événements] et je sens aussi que les gens le sentent beaucoup. Les gens ont peur, mais on ne peut pas éviter demain parce que sinon ça ne vaut pas la peine. Je veux croire que les gens, les sociétés, et nous tous, allons trouver des solutions pour que tout change. En anglais, on dit toujours 'the best is yet to come' (le meilleur reste à venir).
Ce nouveau spectacle intervient dans un contexte particulier. Rendez-vous hommage aux différentes victimes ?
Je pense que toute l’ambiance du spectacle sera portée [par ces événements], mais je ne veux pas non plus retourner le couteau dans la plaie. J'ai envie d'être sur scène et de partager ce bonheur de la musique qui aide beaucoup. Je pense que peu importe la musique que les gens aiment - il y a beaucoup de musiques - c'est très thérapeutique. Donc, sans vraiment tourner le couteau dans la plaie, on sentira à travers les émotions ces souffrances, ces arrêts, ces peines, ces peurs, mais aussi ces joies. C'est un spectacle qui va effleurer plusieurs émotions.
C'est un spectacle qui n'a pas été préparé il y a très longtemps. C'est René qui l'a préparé et a insisté pour que je fasse cette mini-tournée. Il n'y a pas de danseuses, il n'y a pas de falbala, mais il y aura beaucoup d’émotions. J'ai envie d'être là pour les bonnes raisons, pour communier et passer du temps ici avec les fans qui ont non seulement été là avec moi en tant qu'artiste, mais qui ont aussi eu tellement de respect et tellement de peine pour moi. Je suis vraiment touchée de cet amour là.
Votre nouveau single Encore un soir a forcément un sens particulier. Dans vos futurs chansons retrouvera-t-on ce côté mélancolique ou pensez-vous revenir à un style plus rock, comme à vos débuts ?
Cet album a été ressenti. Ce n'est pas un album qui a été chanté. C'est la première fois que je chante sans René ou même que j'ose choisir des chansons sans son accord. C'est la première fois que je serai sur scène avec sa présence, mais d'une autre façon et ça fait beaucoup de choses. La photo [de l'album] était la photo préférée de René sur ma dernière séance photo et c'est pour cela que l'on a insisté pour prendre celle-ci. J'avais un peu peur de mon sourire. Je me suis demandé si je ne souriais pas un peu trop, mais René m'a dit 'ce n'est pas triste, c'est une autre vie'".
Pour autant, je ne vais pas monter sur scène pour pleurer pendant deux heures. Je veux rassurer mon public, mes fans et les gens qui nous aiment. Bien sûr je vais effleurer le sujet, je sens qu'ils en ont besoin, ils me parlent de ça. Je vais amener René sur scène avec moi, on va le mentionner, on va le chanter et il y aura des moments où l'on reviendra en arrière pour reprendre ses chansons.
Ce nouveau titre signe le retour de la personne qui a composé vos plus grandes chansons, Jean-Jacques Goldman. Comment s'est passé ce travail ?
Jean-Jacques a hésité avant de me dire oui, moi non. Il a tout écrit pour moi et c'est moi qui ai fait appel à lui au moment où René vivait des jours difficiles. Je me suis effondrée en larmes et je me suis dit 'honnêtement, je ne voulais tellement pas pleurer, excuse moi, mais je suis très contente de te parler. Nous vivons des moments difficiles'. Il m'a dit qu'il avait tout écrit pour moi et que nous avions tout chanté ensemble, que l'on avait parlé de la pluie et du beau temps que l'on avait tout dit, et c'est vrai, nous avons tout chanté ensemble.
Tous les titres que l'on a faits ensemble, on ne va pas les recommencer. Pour le convaincre, je lui ai expliqué : "Je ne te demande pas de m'écrire une chanson, je te demande de me tenir la main". C'est ce qu'il a fait. Il a répondu à notre appel, à notre cri d'amour pour lui et il nous a offert Encore un soir, et René est parti sur ce titre.