Quel souvenir gardez-vous de Boris Vian? "C'était un individu au grand cœur et un antisocial qui ne voulait pas entendre parler de normes. Il était têtu et ne revenait jamais sur un avis. C'était quelqu'un d'épatant, bosseur et consciencieux, très discret sur sa vie personnelle et toujours souriant. Il avait un état d'esprit potache et avec lui, c'était des éclats de rire permanents. Je dirais que c'était un anarchiste passif: il ne voulait pas entrer dans le système mais à mon avis, il souffrait beaucoup de ne pas être reconnu. Dans les derniers temps, il était découragé et pessimiste."
Qu'aurait-il pensé de la foule d'hommages qui saluent aujourd'hui sa mémoire? "Tout être humain a ses défauts, et sa coquetterie à lui était de faire celui qui se foutait des critiques. Aujourd'hui, il aurait donc dit "Je m'en fous"... tout en étant flatté intérieurement! Il disait toujours "les articles sur moi ne m'intéressent pas", j'avais dix ans de moins que lui, je l'admirais et j'en étais ébahi. Mais une nuit qu'on travaillait chez lui, j'ai vu dans la poubelle un tas de journaux avec des articles sur lui. Il se précipitait pour les acheter, les lisait puis les jetait. C'était sa coquetterie, je ne lui en ai jamais parlé!"
Pourquoi son œuvre est-elle toujours d'actualité 50 ans après sa mort? "Car il était avant-gardiste, et les problèmes d'il y a 50 ans sont toujours les mêmes: les gouvernements se ressemblent, sont toujours plus ou moins corrompus, et la société évolue mais ne bouge pas. Ses qualités premières étaient son intelligence et sa lucidité sur tout ce qui l'entourait. Il disait souvent: "Il y a les cons et il y a les autres! " "