Patrick Timsit : "Je n’ai jamais été aussi intime"

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A.D
Loin de la comédie qu'il a souvent incarnée, l'acteur et humoriste joue "Le livre de ma mère" d'Albert Cohen. Un spectacle qu'il a longuement mûri.
INTERVIEW

D’un indien dans la ville à Santa et Cie et Stars 80, la suite en passant par Pédale douce, Patrick Timsit s’est illustré par le rire. C’est dans un tout autre registre qu’on le découvre au théâtre de l’Atelier à Paris pour les prolongations de la pièce Le livre de ma mère, adaptée du texte d’Albert Cohen. Invité dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, il a raconté la genèse de ce spectacle délicat.

Maturité. La pièce retranscrit l’hommage d’Albert Cohen à sa mère morte, une oeuvre qui raconte le manque de cet être perdu mais irremplaçable. Patrick Timsit a mis plusieurs décennies à couver et mûrir son projet. "Je découvre ce texte il y a un peu plus de trente ans. J’apprends des petits morceaux. Et je me dit 'j’ai besoin de maturité'. J’ai été bouleversé par ce livre, le travail qu’on pouvait envisager, ce rendez-vous que je pouvais avoir avec ce livre sur scène. La maturité, c’est plus une maturité professionnelle parce qu’on a n'a pas besoin de maturité humaine pour aborder ce texte, bien au contraire. Peut-être qu’on reste encore cet enfant et le fils de sa mère. Là, je me suis dit c’est maintenant", explique-t-il.

"On riait, on pleurait parfois". Le spectacle s'est concrétisé avec le metteur en scène Dominique Pitoiset. Ensemble, ils se sont enfermés pendant quatre semaines dans un monastère vide de ses moines, en face de Venise pour réfléchir à l’adaptation : "On ne se connaissait pas. On se racontait nos vies. On riait, on pleurait parfois, on était débordés par nos émotions. Je n’ai jamais été aussi intime dans un spectacle même dans les one man show où il y a une base qui vient de moi. Là, c’était justement une rencontre professionnelle qui ne devait pas être obligatoirement humaine et ça l’a été. On s’est rencontrés sans forcer", dit-il ajoutant cependant avoir à tout prix voulu éviter le pathos dans les représentations.

Entendu sur europe1 :
"Pleurer sa mère, c’est pleurer son enfance. C’est vrai que perdre ses parents, c’est aussi qu’on devient adulte."

Sa mère l'a vu en cachette. Il a aussi demandé à sa mère de ne pas voir le spectacle. "J’ai la chance d’avoir encore ma maman. Je lui avais dit 'J’ai réfléchi c’est trop dur.' Elle m’a dit : 'Il n’est pas question que je ne vois pas ce spectacle, je suis vivante. Si c’est un hommage aux mamans vivantes, je vais en profiter quand, moi ?'".  Elle vient finalement en cachette, ce qui a convenu à l'acteur. "Je pense que le spectacle aurait été n’importe quoi si j’avais su qu’elle était dans la salle", dit-il avant de décrire aussi le spectacle comme "une déclaration d’amour. C’est un formidable roman d’amour entre un homme et une femme", mais qui symbolise également une étape : "Pleurer sa mère, c’est pleurer son enfance. C’est vrai que perdre ses parents, c’est aussi qu’on devient adulte."

Émigré comme Albert Cohen. Le comédien ajoute que la pièce s'adresse aussi à ceux qui n'ont pas eu cette mère juive, dans le sens mère dévouée, peu importe la confession. "Il y a l’émigration, les vraies questions existentialistes… qui sont aussi abordées dans ce spectacle". Mais au-delà de son aspect universel, si le texte résonne de façon aussi intime pour l'acteur, c'est aussi parce que, comme Albert Cohen, il est issu d'une famille juive qui a débarqué sur le territoire français. L'acteur est arrivé à l'âge de 2 ans après qu'une bombe a éclaté en face de la maison familiale en Algérie. En 48h, ils étaient à Paris, dans une nouvelle vie. "Il y a ce côté où vous êtes l’émigré. Il y a cet isolement. On était des 'rien du tout sociaux'. En 1961, le pied noir qui arrive est quelqu’un qui n’est pas apprécié, mais je n’ai manqué de rien. On était très heureux mais quand même, mon père mettait un matelas devant la vitrine pour ne pas que ça nous explose dans la figure."