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Placer Superman, Batman et consorts face à une épidémie mondiale de zombies : derrière cette idée originale très "popcorn", le comics DCeased déroule une histoire surprenante et questionne en profondeur le mythe du sauveur et notre dépendance à l'espoir. Une réussite à lire absolument !

Et si les super-héros devaient affronter une invasion de… zombies ? Cette idée surprenante, rencontre entre deux figures phares de la pop culture, c'est celle de DCeased, un comics de l'écurie DC Comics (Superman, Batman, Wonder Woman, etc.). Sortie en 2019 aux États-Unis, où elle a rencontré un immense succès, cette mini-série débarque en France chez Urban Comics, dans une édition intégrale*. L'histoire imaginée par Tom Taylor surprend par son originalité et sa radicalité : on y voit des super-héros échouer et même... mourir !

Super-héros contre super-zombies

Le titre, DCeased, donne le ton. Habile jeu de mot entre "deceased", "décédé" en anglais, et DC, pour DC Comics, il sous-entend que des héros de l'univers DC vont mourir dans l'histoire. Pas de spoiler ici car la couverture va dans le même sens : on y voit Superman complètement zombifié. Comment en est-on arrivé là ? Darkseid, le pire méchant de l’univers, répand sur Terre un virus destructeur : l’Anti-vie. Il se propage à travers les écrans et transmet aux humains une sorte de pulsion de mort qui les transforme en morts-vivants et les pousse à s'entre-tuer. Trevor Hairsine, le dessinateur, s’en donne ainsi à cœur joie sur les giclées de sang.

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Au début, Batman, Superman, Wonder Woman, Aquaman, Green Lantern, bref toute la bande, gèrent la situation tant bien que mal. Mais quand certains d’entre eux se retrouvent infectés, la situation s’envenime. Imaginez Flash, le super-héros qui court hyper vite, transformé en zombie capable de mordre des milliers d’humains par minute : ce n'est plus la même histoire. Rapidement, le récit, qui commence comme une aventure classique de super-héros, dérive franchement vers l'apocalypse zombie pour verser carrément dans l'horreur par moment. D'ailleurs, on préfère prévenir : les dessins sont très beaux mais surtout très crus, d'où une lecture conseillée à partir de 12 ans.

Une histoire aussi originale que radicale

C’est là le parti pris osé, et réussi, de DCeased : zombifier les super-héros les plus connus, quitte à sortir le lecteur de sa zone de confort. Et l’auteur, Tom Taylor, ne fait pas de quartier : l’un des héros les plus populaires meurt dès le premier chapitre ! Le premier seulement, car parmi les dizaines de héros qui apparaissent au fil des pages, beaucoup mettent un genou à terre. Un vrai carnage qui fait une nouvelle fois émerger Superman comme dernier rempart pour l'humanité. On n'en dira pas plus pour préserver le suspense mais sachez que DCeased est un comics très surprenant, bourré de rebondissements radicaux. 

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Ça change du cinéma, où les super-héros ne meurent jamais pour de bon. Là, il y a vraiment de l’enjeu, on tourne chaque page avec une petite appréhension en se demandant qui sera le prochain à mourir… C’est un sentiment très étrange pour une histoire de super-héros, limite perturbant. Et ce sentiment est renforcé par le rythme du récit, véritablement haletant. Ça va très vite, on passe d’un héros à l’autre sans avoir le temps de souffler, dans une fuite en avant sans fin. DCeased est le genre de comics à dévorer d'un coup, de la première à la dernière des 240 pages.

À qui se fier en temps de crise ?

Au-delà de son rythme parfaitement maîtrisé, DCeased est d'abord un comics qui se sert des super-héros pour raconter autre chose. C’est d’ailleurs à ça qu’on reconnaît une bonne histoire de super-héros, à sa capacité à porter des messages sociétaux dont les surhommes ne sont finalement qu'un catalyseur. Ainsi, DCeased nous alerte sur notre addiction aux écrans et aux réseaux sociaux. Dans l’histoire, ils servent de support à la propagation du virus : en quelques jours, la Terre s'effondre tant les écrans sont partout dans notre quotidien. Des écrans qui nous transforment en zombies : la métaphore est facile, on la connaît. Mais elle est ici très graphique.

Surtout, DCeased questionne notre dépendance à l’espoir. Dans le comics, malgré l’apocalypse provoquée par le virus, les citoyens, et à travers eux le lecteur, croient jusqu’au bout au miracle des super-héros : "Pas de panique, Batman va trouver un plan. Et s’il n’y arrive pas, Wonder Woman nous sauvera. Et au pire, Superman est invincible, non ?". Sauf que, pour une fois, ça ne se passe pas comme ça.

DC Comics / Urban Comics

Bien sûr, nous n'avons pas, nous, de super-héros en qui croire. Mais le parallèle avec nos sociétés est intéressant, encore plus en ce moment avec le coronavirus. Face au désordre, on cherche toujours une figure forte vers qui se tourner. Qui croire ? Comment agir à son échelle ? Ferait-on mieux que ceux qui dirigent ? Peut-on faire confiance aux puissants ? Autant de questions que DCeased aborde en sous-texte. La preuve que l’on peut écrire des histoires de super-héros profondes et politiques, sans délaisser le spectacle pour autant.

*DCeased, paru chez Urban Comics, 240 pages, 22,50€