Albert Uderzo, bouleversé. Le créateur du célèbre Astérix, très choqué par l'attaque perpétrée dans les locaux de Charlie Hebdo mercredi, a voulu faire un geste, à sa manière, pour le journal satirique. Lui qui n'avait pas dessiné depuis des années a donc repris son crayon à l'âge de 87 ans.
Sur son dessin, réalisé pour l'occasion, on voit Astérix, très en colère, donner un coup de poing à un homme qui en perd… ses babouches. Exit les sandales romaines. Tout à son geste, Astérix s'écrit : "Moi aussi je suis Charlie". Comme de nombreux dessinateurs qui rendent hommage aux victimes de la tuerie dans d'innombrables dessins depuis mercredi, c'est aussi la manière qu'a eu Uderzo d'agir. Il s'est confié à Europe 1.
"Je voulais faire un dessin." "Je me sens totalement près de ces garçons qui étaient loin de s'attendre à ce qui les attendait...", raconte Albert Uderzo, très affecté, au micro d'Europe 1. En réalisant ce dessin, en associant Astérix à sa peine, il a "voulu montrer aux gens du journal" qu'il était "près d'eux". "Je voulais faire un dessin pour eux, que je leur offre évidemment", raconte le dessinateur qu'on sent profondément ému. "C'est pas terrible, s'excuse-t-il, Astérix qui donne un coup de poing, des pieds qui s'envolent... Mais pas de sandales de romains ! Ce sont des babouches ! (Rires.) C'est différent." Uderzo "tournait en rond", explique-t-il et tenait à faire un geste à l'attention de "ses amis", dit-il. "Si c'est la moindre des choses que je puisse faire, autant faire ce dessin-là !"
"C'est insensé ! On revient à l'époque gauloise". "Charlie Hebdo et Astérix, ça n'a rien à voir évidemment. Je ne vais pas changer ma casaque d'épaule ! Je veux simplement marquer mon amitié pour ces dessinateurs qui ont payé de leur vie", explique le dessinateur, avant d'une fois de plus, exprimer son effroi. "Comment peut-on faire des actions aussi épouvantables ? Comment des gens qui se disent humains peuvent-ils tuer des gens qu'ils ne connaissent pas, mais dont on leur a dit beaucoup de mal et, à partir de ce moment-là, il faut les tuer ? C'est insensé ! On revient à l'époque gauloise... Et encore, je ne suis pas sûr que les gaulois auraient pu avoir cet état d'esprit."
Uderzo pense aussi à la relève. "Je tournais en rond, je ne savais pas quoi faire pour non pas leur rendre service, ils s'en foutent là où ils sont, mais pour les successeurs, ceux qui vont reprendre la main. De jeunes dessinateurs sont sur place maintenant : je leur souhaite beaucoup de courage. Qu'ils gardent en mémoire cette chose épouvantable arrivée à leurs confrères à laquelle personne ne pouvait s'attendre."
"Prêter Astérix à Charlie ? S'ils me le demandaient, je le ferais. Ça ne va pas avec le ton du journal mais Astérix c'est une résistance drôlatique. On n'a jamais versé de sang chez les romains et on n'a jamais voulu en verser !"
"Personne ne pouvait imaginer une chose pareille." "Non, jamais je n'aurais pu imaginer une chose pareille [que dessinateur était un métier à risques], sachant pertinemment que quelques fois ils y allaient fort dans leurs opinions... Quand ils ont suivi l'histoire de Mahomet, je me suis dit que ça risquait de faire du prix... Mais pas au point de rentrer avec une mitraillette et tirer dans le tas... ca, personne ne pouvait s'imaginer une horreur pareille."
Le souvenir de Cabu. "Cabu n'avait pas la grande place qu'il aurait dû avoir, comme tous les dessinateurs en général... Mais c'était un garçon extrêmement gentil, aimable, toujours le sourire", se souvient Albert Uderzo. "Je le vois toujours derrière ses lunettes avec son grand sourire. On n'avait pas l'impression qu'il vieillissait. Le crayon, c'est une arme terrible, mais pas une arme dans le sens où on l'entend... Il se gaussait ! Ce matin, Astérix pleure de colère, de rage et de peine : il y a une peine épouvantable, ces garçons ne reviendront pas sur Terre, on va essayer de garder leur souvenir, mais c'est faire payer pour un métier qui ne demandait pas à aboutir à cela."