"J’arrête de râler au boulot" : ce qu’il faut savoir sur la méthode de Lewicki et Nave

© www_slon_pics / pixabay / Europe 1
  • Copié
, modifié à
Dans un nouveau livre qui paraît cette semaine, une coache en entreprise et une DRH proposent une méthode dont le but est de tenir 21 jours sans râler au travail.

L'ordinateur rame encore ! Maudit métro qui me fait arriver en retard tous les jours ! Tous ces gens ne se rendent pas compte de la charge de travail que j'ai ! Comme l'auteur de ces lignes peut-être avez-vous, un peu, tendance à râler. Mais cela a-t-il réellement un impact (autre que celui de vous soulager cinq minutes et d'en mettre plein la tête à vos voisins de bureau) ? Cela permet-il de faire avancer vos objectifs ? Rarement. Ce constat est en tout cas posé en préambule du livre "J’arrête de râler au boulot" (Eyrolles), qui sort en librairie cette semaine.

L’ouvrage, écrit par la coache en entreprise Christine Lewicki et la DRH Emmanuelle Nave, propose une méthode dont le but est de nous faire "arrêter de râler" pendant 21 jours consécutifs. L’idée n’est pas de mettre les soucis sous le tapis. Mais de nous aider à mieux les identifier pour sortir de nos vaines ruminations et faire émerger des solutions constructives, ainsi qu’un sentiment de bien-être.

Que vaut la méthode de Christine Lewicki et Emmanuelle Nave ? Dans cet article, je vous la présenterai dans les grandes lignes, en vous expliquant ce qui m’a séduit ainsi que mes réserves. Dans un second temps, j’essayerai de mettre en pratique les exercices et conseils présents dans l’ouvrage. Je vous ferai des points réguliers de mon avancée. Objectif : réussir à tenir sans râler au travail pendant 21 jours d’affilée !

Je vous explique comment je vais m'y prendre dans l'article "Europe 1 teste la méthode 'j'arrête de raler au boulot'".

Gaétan Supertino, journaliste "développement personnel" et râleur notoire

 

CE QUE CONTIENT L’OUVRAGE

"J’arrête de râler au boulot" propose une méthode d’une simplicité enfantine, en tout cas dans son principe. L’idée de départ consiste à mettre un bracelet élastique à son poignet. Il s'agit, ensuite, de se forcer à ne pas râler, de faire "un effort conscient" pour garder pour nous nos ruminations, de veiller à ne jamais maugréer dans son coin, de se mettre dans un état qui nous préserve de la grogne. "À chaque râlerie (sic), changez le bracelet de poignet et remettez les compteurs à zéro", expliquent les deux auteures.

L’ouvrage s’intéresse à la "râlerie" exprimée oralement, pas celle en silence, qu’il serait impossible d’empêcher totalement. Il ne s'agit pas, non plus, de nous faire taire, d'être soumis en silence à son entreprise. L'idée est d'éviter tout ce qui est vain. Pour distinguer une "râlerie" d’une critique constructive ou d’une confidence libératrice, l’ouvrage donne quelques indices : 

- Le ton : si vous ruminez à voix basse, si vous criez sans réfléchir, si vous adoptez "un ton amer ou acide", il y a des chances que vous soyez en train de râler.

- Le positionnement : si vous vous placez en victime ou en accusateur sans chercher aucune forme de réponse en vous, c’est une "râlerie".

- La justesse des propos : si ce que vous dites est exagéré, exprime une permanence ("c’est toujours pareil") ou une "universalité" ("ils sont tous incompétents", "tous pourris"…), idem.

Christine Lewicki et Emmanuelle Nave préviennent ensuite que celui qui se met sur le "chemin de la libération" risque de connaître cinq phases : le déni ("c’est faux, je ne râle pas"), l’enthousiasme ("cette méthode est géniale ça va changer ma vie"), le découragement ("c’est trop difficile je n’y arriverai jamais"), l’espoir (vous commencez à voir les changements et à comprendre les bienfaits de la méthode) et la maîtrise (vous n’avez plus besoin de la méthode).

Pour parvenir à ce dernier stade, les auteurs proposent une large palette d’outils, issus de la psychologie positive, de la méditation, de la Gestalt-thérapie, déclinés en exercices, en fiches pratiques ou encore à travers de petites fables, des témoignages ou des avis d’experts.

CE QUI NOUS A PLU

Facilement compréhensible, plutôt agréable à lire (malgré une légère surabondance de points d’exclamation !), bien organisé (les explications, les exercices et les petites anecdotes s’enchaînent assez subtilement), l’ouvrage fait preuve d’une grande pédagogie. Le lecteur y apprendra facilement quelques bases en psychologie positive (et en psychologie tout court), en Gestalt-thérapie ou même en méthodes de management, et les exercices sont, sinon facile à faire (ça, on vous le dira plus tard !), au moins très faciles à comprendre.

Pour mieux faire passer leurs messages, Christine Lewicki et Emmanuelle Nave ponctuent par ailleurs leur livre de courtes fables, de fiches pratiques ou de petits tests qui font mouche. On citera, par exemple, la très parlante fable des cailloux, du gravier, du sable et de l’eau (vous la retrouverez en ligne ici) : les premiers représentent les choses vraiment importantes dans la vie dont il faut s’occuper en priorité (soigner ma relation avec mon entourage, sentir que je me dépasse, apprendre des choses nouvelles, me sentir bien dans ma peau ou dans la nature etc.), les autres représentants des soucis annexes, moins importants (répondre à ses mails, préparer ses réunions, ranger son bureau ou sa maison, régler ses factures…), que l’on ne peut pas régler correctement (et sans râler !) sans s’être d’abord occupé des premiers.

On citera encore, à titre d’exemple, cet exercice de respiration limpide, et qui peut servir dans chaque situation de stress : "Respirez en comptant 1, 2, 3, 4… Glissez votre inspiration sur le chiffre 1 en le dessinant dans votre tête alors que vous inspirez, puis expirez en dessinant mentalement le 2, et ainsi de suite".

CE QUI NOUS A MOINS PLU

Si beaucoup de conseils et d’exercices présentés dans le livre de Christine Lewicki et Emmanuelle Nave s’avèrent très concrets, d’autres, en revanche, le sont beaucoup moins et paraissent d’une banalité déconcertante : pour être heureux socialement, mieux vaut s'entourer de personnes de confiance ; ce qui nous empêche d’agir, c'est souvent la flemme... On aurait, peut-être, pu y songer tout seul.

D'autres conseils sonnent comme des "y a qu'à faut qu'on", et laissent parfois l'impression trompeuse que chaque problème a une réponse facile. Comment ne pas râler dans le métro ? En téléchargeant des livres audio. Comment gérer toutes mes tâches ? En demandant si un logiciel ne peut pas les faire à ma place. Je suis fatigué ? Je peux me coucher tôt. Je ne retrouve plus mes affaires ? Je n'ai qu'à ranger... Si ces conseils participent d’une philosophie générale, d’une incitation permanente à la "positive attitude", ils peuvent parfois agacer, et le lecteur est souvent tenté de répondre à Christine Lewicki et Emmanuelle Nave : "ce n’est pas si simple !"

En outre, les auteurs s'appuient sur des théories controversées (la pyramide des besoins de Maslow, par exemple) sans ne jamais émettre aucune réserve à propos de leur prétendue efficacité, voire sur des outils à très faible valeur scientifique : le chiffre même de 21 jours pour mettre fin à une habitude, par exemple, est très utilisé dans les ouvrages de développement personnel mais il ne s’appuie sur aucune vérité scientifique (on le doit à un chirurgien esthétique qui, dans les années 1960, affirmait qu'il fallait 21 jours à ses patient(e)s pour s'habituer à leur nouveau corps). Le livre, assez riche dans les sources auxquelles il fait appel, aurait probablement gagné en crédibilité s’il avait été plus prudent dans la présentation de ces mêmes sources.

Le meilleur moyen de vérifier l’efficacité d’une méthode reste toutefois de la tester. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques jours pour un premier point ! G.S.