Quels liens entretenons-nous vraiment avec le monde animal ? Nous avons presque tous déjà ressenti un sentiment de quiétude à voir un écureuil sauter d’arbre en arbre, à écouter un oiseau chanter ou à se promener près d’un champ où paissent des vaches ou des moutons. La compagnie de chien ou de chat serait même responsable de la production d’ocytocine, l’hormone du bonheur, selon des études. Et nous sommes nombreux à être choqués lorsque paraît une nouvelle vidéo dénonçant la maltraitance animale. Pourtant, dans le même temps, nous (les humains dans leur majorité) continuons à manger de la viande, à acheter des vestes en cuir et à rester impassible ou presque devant l'extinction de certaines espèces.
Ce paradoxe tient-il de notre méconnaissance des animaux ? Peter Wohlleben, l’auteur du best-seller La vie secrète des arbres, en est convaincu. Son nouvel ouvrage, La vie secrète des animaux, entend pallier cette méconnaissance. "Ce que je souhaite, c’est que nous devenions un peu plus respectueux du monde animé qui nous entoure", écrit-il. Or, cela passe selon lui par une prise de conscience : les animaux nous ressemble bien plus que nous le croyons. "Il serait absurde d’éprouver de la compassion" pour les animaux si l’on ne pouvait "un tant soit peu deviner ce qui se passe en eux", assure ce forestier de profession. Et c’est ce que nous propose de faire l’ouvrage, dont la traduction française sort mercredi en librairie. Voici un petit résumé de ce que nous en avons pensé.
Ce que l’on trouve dans le livre
L’auteur passe en revue certains comportements que les animaux peuvent avoir en commun avec l’homme. Entendons-nous bien : à aucun moment, il ne laisse entendre que tous les animaux se comportent de la même manière que l'Homme, ni qu'un seul lui est parfaitement similaire. Mais l’ouvrage nous montre à quel point certaines de nos amies les bêtes peuvent avoir des ressemblances avec nous.
Ainsi, on sera surpris de savoir que plusieurs animaux s’appellent par des sortes de noms (les corbeaux ou les écureuils par exemple, via des sons particuliers), qu’ils sont capables d’amour maternel même lorsqu’ils adoptent (à l’image de ce chien qui a élevé des petits porcelets, par exemple), qu’ils peuvent connaître des périodes de deuils (les biches avec leurs enfants), du regret (les rats savent lorsqu’ils ont pris une mauvaise décision) et sont même capables d’altruisme (la mésange, par exemple, n’hésite pas à prévenir ses congénères qu’un prédateur arrive, même si elle se met en danger).
" Songeons un instant aux cochons si sensibles, qui répondent à leur nom et réussissent le test du miroir "
Les animaux peuvent également s’avérer ruseurs (la même mésange peut simuler une alerte pour faire fuir les autres et se garder un repas pour elle toute seule) ou voleurs (les écureuils et les geais pillent les réserves de leurs congénères, les sangliers n’hésitent pas à se servir chez les souris). Et nous trouvons dans la nature des animaux 100% monogames (les grands corbeaux et les castors restent toute leur vie avec la même "compagne") comme des maris infidèles (le merle attend que sa merlette soit hors de vue pour pouvoir batifoler avec une autre).
Si la tonalité générale de l’ouvrage se veut plus pédagogique que combattive, La vie secrète des animaux est aussi un livre engagé en faveur de la cause animale. L’exemple des cochons, notamment, est cité à de nombreuses reprises. "Songeons un instant aux cochons si sensibles, qui éduquent leurs petits et les aident ensuite à élever leur propre progéniture, qui répondent à leur nom et réussissent le test du miroir. Et considérons, parallèlement, les quelque 250 millions abattages qui ont lieu chaque année en Europe. Cela fait froid dans le dos !", écrit Peter Wohlleben.
Ce que nous avons aimé
L’ouvrage est un chef d’œuvre de pédagogie. Comme dans La Vie secrète des arbres, Peter Wohlleben parvient à synthétiser les avancées récentes de la recherche en biologie ou en neuroscience. La "vie secrète" des animaux est présentée au travers d’anecdotes, de petites histoires, de parallèles avec la psyché humaine qui rendent le livre aussi plaisant qu'instructif.
L’ouvrage est aussi riche et complet, sans jamais être répétitif. À chaque chapitre ou presque, nous apprenons des éléments nouveaux. Et peu importe la leçon que l’on tirera de l’ouvrage : il y a des chances que le lecteur ne regarde plus les animaux, tant sauvages que domestiques, de la même façon après avoir fermé le livre.
Aussi, Peter Wohlleben ne tombe jamais dans l’admiration béate du monde animal. Comme il le montre bien, la violence est également à l’œuvre dans la nature. Et s’ils peuvent nourrir une forme d'amour à notre égard, les animaux n’ont souvent que peu de choses à faire de nos préoccupations d’humains. Si le chien est triste lorsqu’il a fait une bêtise, c’est parce qu’on lui crie dessus, pas parce qu’il reconnaît qu’il a fait une bêtise. Si les fourmis nous aident parfois à débarrasser nos forêts de nuisibles (elles sont parfois volontairement introduites à cet effet), elles se nourrissent également d’espèces protégées très rares. La nature ne se laisse "pas mettre dans des cases", conclut l’auteur.
Ce que nous avons moins aimé
S’il y avait une critique à formuler, c’est peut-être la trop grande place donnée à la vie personnelle de l’auteur. À plusieurs reprises, il met presque sur un pied d’égalité les conclusions des études scientifiques et celles tirées de ses propres observations. Il faut dire que Peter Wohlleben a de quoi être inspiré : habitué des animaux sauvages grâce à son métier de forestier, il possède (ou a possédé) chez lui des chevaux, des chèvres, des poules, des lapins et des chiens. Or, quelques (rares) chapitres (celui sur la gratitude, notamment) sont quasi exclusivement basés sur ses propres observations et ne donnent pas lieu à de véritables conclusions, ce qui peut laisser le lecteur, appâté dans un premier temps, sur sa faim.
En outre, les lecteurs peu soucieux de la défense des animaux risqueraient de se sentir offusqué par le côté engagé de l’auteur, même s’il ne prend pas une place trop importante dans le livre. Ce dernier reste donc conseillé à quiconque s'intéresse un tant soit peu aux animaux, que cela soit par soucis de les protéger ou par simple curiosité.
Les trois choses à retenir
- L’ouvrage vise à mieux connaître les animaux, en les comparants notamment avec l’Homme
- Riche et pédagogique, le livre s’avère autant instructif qu’agréable à lire
- La vie personnelle de l’auteur est peut-être (un peu) trop présente, et certains peuvent s’agacer du côté "engagé" de l’auteur en faveur de la cause animale