Et si la Chine était désormais le dernier chantre de la mondialisation ? L'idée peut faire tiquer tant la première puissance asiatique est réputée pour son économie protégée et son marché intérieur fermé. Pourtant, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la Chine est - de loin - le premier exportateur mondial de marchandises et le deuxième importateur derrière les États-Unis. L'un dans l'autre, l'Empire du milieu s'est imposé lors de la dernière décennie comme le numéro un des échanges de biens dans le monde.
Xi Jinping en vedette. C'est avec ce statut que Xi Jinping est arrivé au 47ème Forum économique de Davos, rendez-vous annuel qui rassemble dirigeants de pays et chefs d'entreprises. Pour la première apparition d'un président chinois à Davos, Xi Jinping est la vedette de l'édition 2017, au point que les organisateurs ont accepté d'avancer le sommet pour qu'il ne coïncide pas avec le Nouvel An chinois et ainsi permettre au Président de venir en Suisse. C'est même lui qui a prononcé le discours inaugural mardi. Une allocution axée sur l'avenir du commerce international et le rôle de la Chine dans la nouvelle configuration mondiale.
"Rééquilibrer" la mondialisation. "Cela ne sert à rien de blâmer la mondialisation" pour les problèmes de la planète, a affirmé Xi Jinping, citant le chômage, les migrations et la crise financière de 2008. "Toute tentative de stopper les échanges de capitaux, technologies et produits entre pays (...) est impossible et à rebours de l'histoire", a-t-il martelé, envoyant un message implicite au futur président américain Donald Trump qui entre en fonctions vendredi. Il a cependant admis que la mondialisation était une "lame à double tranchant" qui pouvait avoir des conséquences négatives et qu'il fallait la "rééquilibrer".
"La Chine ne peut pas porter seule la mondialisation"
Imposer une nouvelle mondialisation. Pour Jean-François Di Meglio, président du think tank Asia Centre, "le nouveau discours chinois est rendu compatible avec l'échec de la première mondialisation. Xi Jinping adresse un message subliminal à l'Organisation mondiale du commerce : 'la vision du commerce international qui prévalait jusqu'ici est en train d'échouer, pourquoi ne pas écouter la nôtre''. Pour cela, Davos est une tribune formidable pour le président chinois qui s'est exprimé devant les acteurs majeurs de l'économie mondiale. "Il avait d'ailleurs prévu, il y a déjà un an, qu'en décalant Davos à cause du Nouvel An chinois, il pourrait s'exprimer avant l'investiture officielle du président américain et prendre le devants", précise le spécialiste de la Chine.
Ouverture croissante de la Chine. Autre coïncidence du calendrier, Xi Jinping a prononcé son discours deux heures à peine avant celui de la Première ministre britannique Theresa May qui définissait les modalités du Brexit, à commencer par la sortie du marché unique. Donald Trump et le Brexit sont deux symboles forts, si ce n'est d'une démondialisation, au moins d'une remondialisation. Alors que les États-Unis se dirigent vers plus de protectionnisme et que l'Union européenne patine entre le Brexit et le marasme économique, le créneau est idéal pour que la Chine s'affirme, dans la lignée de sa dynamique d'ouverture internationale.
Croissance en baisse. La Chine est certes en position de force mais elle a aussi besoin du commerce international car elle est concernée par le protectionnisme rampant. Donald Trump cherche principalement à contrer le dumping chinois, notamment sur l'acier, et l'Union européenne pourrait accentuer ses mesures en ce sens. Si les États-Unis et l'Union européenne se replient, la Chine y perdra forcément. Elle a d'autant plus intérêt à promouvoir une relance de la mondialisation que sa croissance ralentit progressivement depuis 10 ans (14% en 2007, 9,5% en 2011, 6,5% en 2016). "Personne n'émergera en vainqueur d'une guerre commerciale", a averti Xi Jinping sur la scène de Davos.
Influence limitée. Néanmoins, la Chine ne peut être l'unique moteur du commerce mondial. "Je ne crois pas à la capacité de la Chine de porter seule la mondialisation. Notamment car elle n'aime pas traiter avec d'autres puissances fortes", explique le président d'Asia Centre. "La Chine préfère la régionalisation à la mondialisation. Elle sait qu'elle n'a pas - encore - une influence globale donc elle préfère garder une zone de confort autour d'elle". Zone développée au fil de partenariats avec les pays voisins, en Asie-Pacifique, en Asie centrale (Organisation de coopération de Shanghai) et même jusqu'en Europe orientale (les "16+1").
D'autre part, la Chine pâtit encore de son manque d'influence culturelle. "Les États-Unis ont dominé le commerce mondial car ils avaient imposé leur soft power à la sortie de la Seconde guerre mondiale", rappelle Jean-François Di Meglio. "Pour l'instant, la Chine n'arrive pas étendre son influence et sa culture hors de l'Asie. En plus, elle n'a pas joué de rôle de pacificateur visible. Tant qu'elle n'aura pas agi pour le bien du monde, son soft power restera limité". Enfin, la Chine devra convaincre au-delà des mots car la contradiction entre les discours d'ouverture et la réalité d'un marché intérieur encore très fermé met encore en doute sa sincérité.