Le monde de l'emploi est en constante évolution. La pandémie de Covid-19 et le confinement qui s’est ensuivi ont accéléré la transition des travailleurs de bureau vers un mode de fonctionnement plus souple avec le télétravail. Bruno Le Maire, le ministre de l'économie, s’attend quant à lui à ce que la crise économique entraîne la suppression de 800.000 emplois le mois prochain. Une évolution de l'emploi qui ne sont que les prémices de ce qui nous attends dans 10 ans.
>> Retrouvez toutes les interviews de Matthieu Belliard en replay et en podcast ici
"On a dix ans pour nous préparer"
À plus long terme, Eric Hazan, directeur associé du Bureau de Paris du cabinet McKinsey, a mené une étude et un travail de prospective sur l'emploi dans dix ans. Interrogé par Matthieu Belliard jeudi au micro d'Europe 1, l'analyste a expliqué sa méthode de travail qui a consisté à compiler 800 types d’emplois, 20.000 tâches et 25 compétences. Il a ensuite observé les paramètres d’évolution de l’emploi pour dessiner un tableau général de ce que pourrait être le monde de l'emploi en 2030. D'emblée il se veut rassurant : "Ça ne veut pas dire que cela va se passer en une nuit. On a dix ans devant nous pour nous préparer".
Ce qui en ressort en premier "c'est l'impact de l'automatisation et de la technologie sur les tâches que composent nos principaux emplois", souligne-t-il. "Les autres éléments importants se passent autour de la mobilité et du vieillissement de la population. Il existe aussi des éléments positifs et négatifs sur la croissance de l’emploi dans différentes zones géographiques."
" On va créer potentiellement deux millions d’emplois d’ici à 2030 en solde net en Europe. En France cela représentera plus d’un million d’emplois supplémentaires. "
Le spécialiste prévoit en effet plusieurs bonnes nouvelles avec ces évolutions : "Le solde d’emploi sera positif en 2030. On va créer potentiellement deux millions d’emplois d’ici à 2030 en solde net en Europe. En France, cela représentera plus d’un million d’emplois supplémentaires", notamment grâce aux métiers de l'accompagnement, du service et des nouvelles technologies.
L'étude - qu'Eric Hazan a réalisée avant la crise du coronavirus - souligne les nouvelles compétences qui seront demandées en premier par les employeurs. "Les compétences technologiques seront beaucoup plus importantes. Mais aussi, et c’est assez rassurant, les compétences sociales et émotionnelles. Les compétences cognitives avancées : je sais persuader, convaincre. Ces demandes de compétences seront très fortes", avance-t-il avant d'exposer celles qui seront sur le déclin. "Des compétences qui nous permettait de rentrer dans le monde du travail il y a une trentaine d’années comme les compétences cognitives de base : je sais lire, écrire et compter, ou des compétences manuelles et techniques, seront moins demandées. Ça créé donc un besoin de formation très important et un besoin de requalification d’un certain nombre d’emplois", prédit-il également.
En clair, les emplois construits sur des compétences manuelles et techniques seront ceux les plus impactés par l’automatisation. "Des emplois vont être automatisés à 95%. Ce sera surtout le travail peu qualifié, dans l’industrie manufacturière, mais aussi la distribution, l’hôtellerie et la restauration", selon le directeur associé du Cabinet McKinsey. Ce qui renforcera, de fait, la valeur des diplômes et une "requalification de la population active".
Paris, Rennes, Toulouse et Grenoble : des bassins d'emplois très importants
Enfin, Eric Hazan observe une concentration de l’emploi dans une cinquantaine de villes européennes qui abritent 20% de la population du vieux continent : "On a toujours eu une concentration de l’emploi dans un certain nombre de bassins d’emploi. Ce qu’il y a de nouveau, c’est que ce niveau de concentration dans la croissance des emplois va doubler dans les dix prochaines années. En France, nous sommes sur trois ou quatre zones qui concentreraient en 2030 à peu près 60% de la croissance des emplois. Il s’agit de Paris, Rennes, Toulouse et Grenoble. Ce sont des zones avec un fort emploi technologique à moyen terme. Actuellement nous sommes à 30%, on doublerait donc cette croissance."