L’INFO. Depuis lundi, et l’augmentation des prix du tabac de 20 centimes par paquet en moyenne, les fumeurs invétérés peuvent être encore plus tentés de s’approvisionner auprès du marché noir. Mais la déception est souvent au rendez-vous : le goût de ces cigarettes n’est pas le même et, beaucoup plus grave, leur contenu a de quoi faire frémir. Métaux lourds, excréments, sciure de bois : Europe 1 s’est rendu au laboratoire des Douanes françaises, à Marseille, pour disséquer le contenu de ces cigarettes vendues sous le manteau ou, de plus en plus, sur Internet.
Beaucoup plus de métaux lourds. Chargé d’analyser les saisies effectuées par les Douanes, le laboratoire de Marseille est formel : si les cigarettes contiennent de nombreux produits toxiques, leurs contrefaçons présentent des concentrations encore plus inquiétantes. En moyenne, une cigarette contrefaite renferme par exemple trois fois plus de cadmium et d’arsenic, sept fois plus de mercure et huit fois plus de plomb.
Du ciment, du bois, des cheveux... Mais il y a pire encore : les cigarettes contiennent très souvent des produits qui n’ont rien à y faire. Les analyses du laboratoire de Marseille ont ainsi permis de déceler la présence de ciment, de sciures de bois, de plastiques, de morceaux de tissus, de cheveux mais aussi de poils de bêtes. "On a même retrouvé des déjections de souris, puisqu’on a mis en évidence des fabrications en Chine qui se faisaient en sous-terrain, sous des bâches, enterré dans la terre. On y a donc retrouvé (des traces) de rats, d’insectes, de vers", détaille Denis Olivier, responsable du laboratoire. Et ce dernier de préciser que même lorsqu’il s’agit de vrai tabac, ce dernier peut être pollué car cultivé sur des friches industrielles n’ayant pas été décontaminées.
Un papier bien plus dangereux. Le papier à cigarettes de contrebande n’est également pas de la même qualité et ne répond pas aux normes européennes. "La réglementation européenne définit le potentiel incendiaire, c’est-à-dire qu’une cigarette va pouvoir s’arrêter toute seule s’il n’y a pas d’aspiration sur le bout de la cigarette. C’est fait pour éviter des incendies, notamment lorsque les gens fument dans leur lit. Or les cigarettes de contrefaçon n’ont pas ce dispositif-là", souligne Denis Olivier.
Même le filtre est contrefait. Habituellement, le filtre d’une cigarette est constitué de ouate. Mais les réseaux mafieux préfèrent, pour des raisons de coût, fabriquer les leurs en polypropylène. Un plastique habituellement utilisé dans l’industrie automobile ou encore pour concevoir des tapis synthétiques.
Une imitation jusque dans les avertissements sanitaires. Si les paquets de cigarettes contrefaits ont longtemps été identifiables grâce à l’absence d’avertissements sanitaires, ce n’est désormais plus le cas. Devenue industrielle, la contrefaçon chinoise dispose même des outils nécessaires pour reproduire l’emballage à l’identique, avec le traditionnel message "Fumer tue". Une descente des forces de l’ordre chinoise a ainsi récemment permis de découvrir qu’une réseau disposait de plus de 60 modèles d’emballages différents… pour la seule marque Marlboro.
D’où viennent-elles ? D’un peu partout dans le monde mais deux zones alimentent principalement l’Europe : la Chine et les pays d’Europe de l’Est. "La Chine est en effet le principal pays producteur de contrefaçons : les cargaisons sont ensuite stockées à Dubaï, puis écoulées dans les ports de Gênes, de Gioia Tauro et de Brindisi. Outre les mafias italiennes, on croise également des organisations criminelles d’Ukraine, de Russie et de Pologne, autres pays “exportateurs” de produits de contrefaçon", résume l’Italien Corriere della Sera, repris par Courrier International.
En Europe de l’Est, l’enclave russe de Kaliningrad et la Biélorussie alimentent le marché noir sous la coupe des mafias russes. "L'analyse établie par FRONTEX confirme que la contrebande de cigarettes est l'un des problèmes majeurs en ce qui concerne la frontière orientale de l'UE, et indique qu'il existe une contrebande à grande échelle provenant des pays des Balkans occidentaux", précise un rapport de la Commission européenne publié en juin 2013.
Il existe même une fausse marque. Le business de la contrefaçon pèse si lourd que des réseaux mafieux commercialisent même une marque qui n’existe officiellement nulle part, les Jin Ling. Cette marque, qui signifie "la chèvre des montagnes", présente la même gamme de couleurs et la même typographie que les Camel. Et ça marche puisque les douanes de l’Union européenne ont saisi 258 millions de cigarettes de cette marque pour la seule année 2007.
Retrouvez le reportage de Nathalie Chevance au laboratoire de douanes à Marseille :
Le tabac de contrebande décortiqué par le...par Europe1fr