C’est la fin d’un long marathon : jeudi après-midi, le projet de loi Macron a été de nouveau présenté aux députés pour une adoption définitive vendredi. Un examen qui promet d’être sommaire puisque le gouvernement a annoncé son intention de recourir à nouveau au 49-3 pour ne pas éterniser les débats. Mais que va changer cette loi "pour l'activité, la croissance et l'égalité des chances économiques" dans la vie quotidienne des Français ?
DU POINT DE VUE DU CONSOMMATEUR
Le premier changement, probablement le plus visible, concerne le transport en autocar. Ce dernier, qui était très réglementé et limité aux trajets au sein d’une région, va être libéralisé : dès cet automne, il sera possible de prendre le bus pour des trajets de plus de 100 kilomètres. Avant la fin de l’année, la libéralisation s’étendra aux trajets inférieurs à 100 kilomètres. Cette réforme, qui devrait permettre de réduire sensiblement les coûts de transports, va aller très vite : plusieurs opérateurs ont déjà mis au point un réseau et une grille tarifaire. Pour rester dans le chapitre transport, sachez qu’un VTC pourra vous attendre en gare ou dans un aéroport si vous l’avez réservé à l’avance.
L’autre principal changement à attendre concerne l’ouverture dominicale des commerces. Dès cet automne, les commerces situés dans les gares les plus fréquentées pourront ouvrir tous les dimanches, ainsi que ceux localisés dans certaines zones touristiques ou commerciales. Les zones de tourisme international (les grands boulevards parisiens, Deauville, Cannes et Nice) pourront, elles, ouvrir tous les dimanches mais aussi en soirée jusqu’à minuit. Dans le reste de la France, les commerces pourront ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, le maire ayant le dernier mot sur le nombre de dimanches ouvrés.
En outre, la loi Macron réforme le passage du permis de conduire, qui peut prendre des mois. Objectif de la loi : diviser par deux le délai entre un premier et un deuxième passage, qui ne devra pas excéder 45 jours. Pour y arriver, les examinateurs vont être déchargés de l’examen du permis poids lourds, confié à des organismes de formation professionnelle, et en cas d’engorgement, la préfecture pourra recourir à des examinateurs supplémentaires (des agents publics ou contractuels).
La loi Macron promet par ailleurs de réduire la facture lors d’un recours à une profession juridique (huissier, notaire, greffier, etc.). D’abord en instaurant une grille tarifaire pour les actes les plus courants et les plus simples, ensuite en instaurant une semi-liberté d’installation pour doper la concurrence. Sauf que les règles encadrant l’installation d’un nouveau cabinet ne sont pas attendues avant 2016 et que la grille tarifaire sera établie ultérieurement.
DU POINT DE VUE DU TRAVAILLEUR
Du côté des salariés, les principaux changements à attendre concernent la justice prudhommale et le travail dominical, avec des réformes qui ne vont pas vraiment jouer en leur faveur.
En ce qui concerne la justice prud’homale, la loi Macron va plafonner les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, variable selon la taille de l'entreprise et l'ancienneté du salarié concerné. Objectif affiché : raccourcir les délais. En cas de redressement ou liquidation judiciaire, l'administration pourra également homologuer un plan social en prenant en compte les moyens de l'entreprise, et non ceux du groupe auquel elle appartient, dont les moyens sont souvent bien plus importants.
Le travail dominical va également se généraliser dans les zones concernées. Il sera néanmoins basé sur le volontariat, du moins en principe, et donnera droit à des compensations, qui seront décidées par accord de branche, d'entreprise ou territorial. Seul le cas des salariés travaillant le dimanche matin dans les commerces de détail alimentaires a été réglé : ils devront bénéficier d’une majoration salariale d’au moins 30% pour ces heures-là.
DU POINT DE VUE DE L’EMPLOYEUR
Les employeurs sont les grands gagnants de la loi Macron. D’abord par le biais d’une simplification administrative : Les entreprises de moins de 50 salariés n'auront pas l'obligation de publier leur compte de résultat annuel. Pour leur redonner des marges de manœuvres financières, les entreprises pourront aussi majorer de 40% le montant des amortissements qui viendront réduire leur base taxable (à condition d'investir entre avril 2015 et avril 2016).
Comme évoqué ci-dessus, les employeurs bénéficieront d’une plus grande visibilité en cas de procès aux prud’hommes. Quand aux start-up, le gouvernement a prévu un coup de pouce en facilitant la distribution d'actions gratuites.
Quelques obligations supplémentaires vont néanmoins aussi entrer en application : les retraites-chapeau seront davantage encadrées et l’octroi d’années d’ancienneté fictives, qui permettait aux cadres dirigeants récemment arrivés de bénéficier d’avantages auxquels ils n’avaient pas droit, sera banni. En outre, la loi Macron va renforcer les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence pour lutter contre les situations localisées de monopole ou d’oligopole dans le commerce et la grande distribution.
DU POINT DE VUE DU FRAUDEUR
Véritable mille-feuille législatif, la loi Macron s’attaque également au travail non déclaré. D’abord en instaurant une carte d'identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics, pour faciliter les contrôles de l’Inspection du travail. Ensuite en renforçant les sanctions administratives pour les entreprises qui ne respectent pas la loi en matière de travailleurs détachés.
DU POINT DE VUE DE L’ÉTAT
Le gouvernement profite de cette loi pour acter la privatisation des sociétés gérant les aéroports de Lyon et de Nice, l'Etat restant propriétaire des infrastructures. Le groupe d’armement Giat et ses filiales vont aussi être privatisés pour faciliter leur rapprochement avec l’allemand KMW.
Pour regagner des marges de manœuvre en cas de fermetures d’entreprise, dossier très sensible au regard de la courbe du chômage, la loi Macron créé une procédure nouvelle de cession ou de dilution forcée des actionnaires majoritaires : si ces derniers ne peuvent ou ne veulent plus financer le redressement des entreprises importantes pour un bassin d'emploi et considérées comme viable, ils devront alors vendre leurs actions.
L’Etat instaure également une Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), dont la mission sera notamment de contrôler les sociétés concessionnaires d'autoroutes, les augmentations tarifaires qu’elles réclament et leurs relations avec leurs sous-traitant (qui, dans certains cas, appartiennent à la même maison-mère que le gestionnaire d’autoroute, une proximité qui rend possible des manipulations comptables).