Tous les ans, depuis 2008, il donne son avis. Un groupe d'experts sur le salaire minimum de croissance (Smic) se fend d'un rapport, remis au gouvernement en décembre, qui contient une tripotée de recommandations que l'exécutif est libre de suivre, ou non. Il se prononce notamment sur la pertinence d'un "coup de pouce" au Smic au 1er janvier.
Mode de calcul. En 2017, comme depuis six ans, ce groupe d'experts présidé par Gilbert Cette, un économiste ayant par ailleurs participé à l'élaboration du programme d'Emmanuel Macron, conseille au gouvernement de ne pas aller au-delà de la hausse automatique du Smic. Un avis généralement suivi, puisqu'il n'y a eu aucun coup de pouce depuis 2012. Pour le 1er janvier 2018, le gouvernement donnera sa décision le 18 décembre prochain.
Mais le plus novateur dans le rapport du groupe d'expert est l'esquisse de pistes de réforme du mode de calcul du salaire minimum.Actuellement, le Smic est indexé sur deux choses : l'inflation d'une part et le salaire horaire de base ouvrier et employé (SHBOE) d'autre part. Sa hausse est donc mécanique et intervient chaque année. Un systématisme avec lequel le groupe d'experts propose de rompre afin de rendre le Smic "plus cohérent" pour réduire le chômage et lutter contre la pauvreté.
Une hausse plus rapide que celle du salaire moyen... Pour les auteurs du rapport en effet, le mode de calcul du Smic présente plusieurs désavantages. D'abord, il oblige le gouvernement à donner un coup de pouce s'il veut faire un geste politique, et ce quelle que soit l'augmentation automatique. Autrement dit, même en cas de hausse significative, l'exécutif sera tenté d'impulser une hausse supplémentaire pour se faire bien voir de ses électeurs. Résultat : "le Smic a augmenté plus vite que le salaire moyen" depuis sa création en 1969, rappellent les experts.
…et néfaste pour l'économie. Et cette augmentation serait, selon eux, néfaste pour l'économie. Elle engendrerait notamment un phénomène de "circularité" avec les salaires : une hausse des prix et des salaires entraîne une revalorisation du Smic, qui entraîne à son tour une hausse des salaires et des prix. Or, cette hausse pénaliserait, toujours selon les experts, la compétitivité du pays et les emplois peu qualifiés. Ils en veulent pour preuve les mécanismes déployés par les gouvernements successifs pour compenser cette hausse depuis presque trente ans, avec des allègements de cotisations sur les bas salaires. L'argent dépensé dans ces allègements "aurait pu être utilisé dans des dispositifs ciblés pour lutter contre la pauvreté", estiment les auteurs du rapport.
" Est-ce qu'on veut que les salariés soient de plus en plus pauvre ? La différence entre le Smic et le seuil de pauvreté est de seulement 134 euros. "
Un constat qui est loin, bien loin de celui des syndicats (et de celui de Marlène Schiappa avant que celle-ci soit secrétaire d'État). "Est-ce qu'on veut que les salariés soient de plus en plus pauvre ?" s'interroge sur Europe 1 Marie-Alice Medeuf Andrieu, secrétaire confédérale Force ouvrière. "La différence entre le Smic et le seuil de pauvreté est de seulement 134 euros. Depuis qu'on a gelé le Smic, est-ce que ça a permis de créer des emplois, de résoudre le problème du chômage ?"
Une première réforme "douce"… Les experts n'en préconisent pas moins deux pistes de transformation du mode de calcul du salaire minimum. La première serait de ne plus indexer la hausse du smic que sur l'inflation, et non sur le SHBOE. Cette solution "douce" permettrait de préserver le pouvoir d'achat des employés au salaire minimum.
…une seconde plus radicale. La deuxième option, plus radicale, consisterait à supprimer toute hausse automatique du Smic. Exit le salaire horaire de base, exit l'inflation : rien de tout cela n'entrerait plus en ligne de compte pour calculer le salaire minimum. Pour les experts, cela permettrait de redonner toute marge de manœuvre au personnel politique et à la négociation collective, puisque les partenaires sociaux pourraient être mobilisés pour discuter du montant du Smic.
Reste que les partenaires sociaux sont déjà très sollicités sur des chantiers d'ampleur comme l'apprentissage, la réforme de l'assurance-chômage ou la formation professionnelle. Il arrive aussi régulièrement que leurs négociations rencontrent des blocages. Quant à une prise en main par le politique, elle s'accompagne nécessairement d'une part d'incertitude, quand bien même des "engagements" seraient pris, comme le préconisent les experts. Une telle solution ne garantirait donc pas le maintien du pouvoir d'achat des salariés au Smic.