Déjà financièrement au plus mal, affaibli par un incendie criminel en 2011, Charlie Hebdo a perdu mercredi sa colonne vertébrale, décimée par l’attentat qui a eu lieu dans ses locaux. Mais le magazine satirique est loin d’être mort grâce à un élan de générosité sans précédent. Le nombre d’abonnés a notamment explosé, sans oublier les appels aux dons.
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Les demandes d’abonnements affluent. Si le site de Charlie Hebdo est actuellement fermé, cela n’empêche pas les internautes de s’abonner par d’autres moyens. Et les chiffres parlent d'eux-mêmes : le site d'abonnement en ligne Viapresse a comptabilisé jeudi en fin d’après-midi 76.000 consultations uniques sur la page de Charlie Hebdo. Résultat, plus de 8.000 commandes d'abonnements pour ce seul magazine, alors que Viapresse ne vend en temps normal qu’environ 300 abonnements par an.
Philippe, un jeune comédien de 31 ans, fait partie de ces nouveaux abonnés. "Après le 21 avril 2002, je m’étais dit ‘je prends la carte du PS’ et cela ne s’était pas passé, je ne l’avais pas fait. Là, je me suis dit ‘je m’abonne’ et je suis allé jusqu’au bout", témoigne-t-il. "Je me suis dit que cette démarche était pas mal parce que si je donne 45 euros et qu’un million de personnes font comme moi, cela donne 46 millions d’euros à un journal. C’est leur donner le pouvoir d’avoir encore plus de possibilités d’exercer leur métier. Il ne faut pas se leurrer, plus on d’argent et plus on a le pouvoir de faire des choses", conclut Philippe.
Une solidarité aussi internationale. Cet afflux de nouveaux abonnés ne se limite pas au seul territoire français. Malgré la distance, de nombreux expatriés ont commencé à faire de même. Ainsi, David Opollon, installé à Boston, a lancé le site solidaritécharlie.fr, pour ceux qui souhaitent faire un don par internet au bénéfice du magazine. Vendredi matin, le site avait déjà reçu plus 50.000 euros de la part de plusieurs centaines de donateurs, accompagnés de nombreux témoignages de soutien.
"Habitant à Boston, c’est vrai qu’au moment des attentats du marathon de Boston en 2013, il y avait eu des collectes similaires lancées dans un grand élan de solidarité qui a amené des milliers de personnes à donner", témoigne-t-il. Et ce dernier d’ajouter : "je voulais permettre aux Français de faire la même chose, je pense qu’ils ont la même générosité et le même désir de solidarité devant cette barbarie et cette attaque contre la liberté d’expression".
Institutions et médias apportent leur aide. Parce qu’un média a besoin d’argent mais aussi d’infrastructures, la plupart des médias ont proposé leur aide à Charlie Hebdo. Comme lors de l’incendie de ses précédents locaux, son équipe va s’installer à Libération. Le fonds Google va par ailleurs lui verser de l'argent, tandis que le fonds "Presse et pluralisme", qui permet de faire des dons défiscalisés aux médias, pourrait débloquer dans un premier temps une somme de 100.000 euros puis être le réceptacle des dons destinés à Charlie Hebdo.
Charlie Hebdo revient dès mercredi prochain. Sans attendre cet élan de dangerosité, ce qu’il reste de la rédaction de Charlie Hebdo a annoncé un "numéro de survivants" qui sera dans les kiosques mercredi prochain. "Charlie Hebdo sortira mercredi prochain et sera tiré à un million d'exemplaires", contre 60.000 habituellement, a précisé Patrick Pelloux, médecin urgentiste et chroniqueur à Charlie Hebdo. Ce sera un "numéro de survivants", limité à 8 pages au lieu de 16 habituellement, a souligné Richard Malka, l’avocat du journal.