Comment le fisc veut débusquer les fraudeurs sur les réseaux sociaux

Gérald Darmanin espère repérer les fraudeurs fiscaux grâce à leur comportement sur les réseaux sociaux.
Gérald Darmanin espère repérer les fraudeurs fiscaux grâce à leur comportement sur les réseaux sociaux. © ERIC FEFERBERG / AFP
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Pour lutter contre la fraude fiscale, l’administration compte, dès 2019, surveiller les réseaux sociaux des gens dont le train de vie ne correspond pas à leurs revenus.

Scanner Facebook, Instagram et Snapchat pour débusquer de potentiels fraudeurs. C’est, en résumé, la nouvelle idée du gouvernement pour approfondir la lutte contre la fraude fiscale en France. L’annonce, faite par le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin dimanche, dans l’émission de M6 Capital, a de quoi surprendre. Et pourtant : en épluchant les comptes personnels, où tout le monde (ou presque) affiche désormais les moindres détails de sa vie, le fisc entend bien repérer les fraudeurs, ceux dont le train de vie virtuel ne correspond pas à leur déclaration de revenus.

Comment va s’y prendre le gouvernement ?

Cette mesure s’inscrit dans le cadre du plan du gouvernement pour lutter contre la fraude fiscale, présenté par Gérald Darmanin début 2018. "Il y aura la permissivité de constater que si vous vous faites prendre en photo (…) de nombreuses fois, avec une voiture de luxe alors que vous n'avez pas les moyens de le faire, peut-être que c'est votre cousin ou votre copine qui vous l'a prêtée, ou peut-être pas", a expliqué Gérald Darmanin dans Capital. Concrètement, il s’agit de comparer le train de vie basé sur la déclaration de revenus avec celui mené en réalité.

"Ce sont vos comptes personnels qui seront regardés par expérimentation", a précisé Gérald Darmanin, ajoutant que ces derniers sont "souvent publics". En septembre, il avait déjà indiqué que la surveillance des réseaux sociaux pourrait également servir à repérer la fraude à la résidence fiscale. Cette expérimentation sera mise en place "sans doute au début de l'année prochaine". En termes de moyens humains, le cabinet de Gérald Darmanin nous assure qu’il n’y aura "pas plus de personnel dédié qu’aujourd’hui". En effet, les données issues des réseaux sociaux seront simplement versées dans les bases de données déjà existantes, analysées par les "data scientists" du fisc.

Qui est visé ?

À ce stade, difficile de répondre avec précision. Le fisc n’a pas arrêté de liste des réseaux sociaux concernés. "On ne va pas scanner 60 millions de Français, ce n'est pas le sujet. Si vous aimez les Rolex et que vous gagnez le Smic, c'est votre problème. Ce n'est pas le 'citoyen lambda' qui est visé mais les personnes qui fraudent sciemment, à un haut niveau", affirme l’entourage de Gérald Darmanin, auprès de franceinfo. Concrètement, une fois la base de données brutes filtrée, le fisc ne s’attardera que sur les profils suspects.

Si vous gagnez le salaire moyen en France mais que vous avez posté une unique photo de vous dans la Ferrari d’un ami, pas de quoi vous inquiéter pour autant. Les algorithmes utilisés par l’administration fiscale ne signaleront que les cas qui dévient de "la norme statistique". Pour caricaturer, le fisc s’intéressera à vous au bout de la dixième ou vingtième photo de vous au volant d’une Ferrari. Sachez aussi que c’est le fisc qui a la charge de la preuve et qu’une capture d’écran de votre profil (facile à truquer) ne peut suffire à lancer une procédure.

Est-ce légal ?

À priori oui, puisqu’il s’agit d’analyser uniquement les données des comptes publics. Tout le monde peut y avoir accès, y compris le fisc qui épluche déjà salaires, factures, billets d’avion et de train… Quoi qu’il en soit, il ne s’agirait pas d’une première. Ainsi, en mars 2017, l’administration fiscale du Lot-et-Garonne s’était servie de Google Earth pour chercher les piscines non déclarées dans la ville de Marmande. Résultat : 300 piscines illégales sur un total de 800 et un manque à gagner de 100.000 euros pour l’État. Rebelote en août dernier, dans le Doubs : le maire de Thise, près de Besançon, a survolé virtuellement sa ville pour repérer les piscines, cabanes et garages construits sans permis.

Toutefois, pour ne pas se rater, Bercy cherche à assurer ses arrières. "L’administration fiscale travaille actuellement avec la Cnil" pour vérifier qu’il n’y a pas de contrainte à l’utilisation de données personnelles publiques pour lutter contre la fraude fiscale, nous explique-t-on au cabinet de Gérald Darmanin.