Crise agricole : au tour des éleveurs bovins de hausser le ton

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Les éleveurs accusent la grande distribution, et plus particulièrement Carrefour, de sous-payer la viande bovine française.

Après les producteurs de lait, c’est au tour des éleveurs de bovin d’engager un bras-de-fer avec l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Se plaignant de prix trop faibles, la Fédération Nationale Bovine organise mardi et mercredi des opérations coup de poing qui vont plus particulièrement toucher le groupe Carrefour. Le géant de la distribution est accusé de symboliser l’impasse dans laquelle serait l’élevage bovin français. Comme pour la crise laitière, les éleveurs reprochent au reste de la filière de les payer en-dessous de leurs prix de revient. Mais pourquoi les prix de la viande bovine sont-ils si bas ?

Les Français consomment moins de viande. Au-delà des questions d’intermédiaires et de leurs marges, la crise des éleveurs bovins s’explique avant tout par le comportement des consommateurs. Après une hausse quasi continue depuis les années 1970, la consommation de viande, toutes sortes confondues, a commencé à reculer en France à partir de 1998 selon les chiffres de France AgriMer. Les chiffres sont éloquents : la consommation de viande bovine a par exemple chuté de 27% entre 1979 et 2013.

La faute à la crise économique, qui contraint le budget des ménages, et aux scandales alimentaires à répétition (crise de la vache folle, grippe aviaire, scandale de la viande de cheval travestie en viande de bœuf, etc.). Mais pas seulement puisque l’évolution des habitudes alimentaires joue également un grand rôle : la consommation quotidienne de viande n’est plus conseillée par le corps médical et la culture du plat préparé réduit les volumes consommés. "L’évolution des modes de consommation et le snacking font que la quantité absorbée diminue de par le produit : vous mangez une côte de porc, vous allez manger 130 grammes, vous prenez un beefsteak de boeuf, vous allez manger 140 grammes. Vous mangez une pizza ou un sandwich, vous allez manger entre 10 et 20 grammes", détaillait en 2015 Thierry Meyer, responsable de la filière porc au syndicat national de l’industrie des viandes.

Un secteur rattrapé par la crise laitière. La grogne des éleveurs fait suite à celle des producteurs laitiers, et ce n’est pas un hasard : les deux secteurs sont indirectement liés. En effet, lorsque les prix du lait chutent et que la trésorerie est vide, les producteurs laitiers peuvent être amenés à envoyer des vaches laitières à l’abattoir. Or, ces vaches sont très nombreuses : en 2015, 57% des bovins abattus étaient de race laitières selon les chiffre de l’Agreste. La crise du lait a donc provoqué un afflux dans les abattoirs et fait chuter les prix, y compris pour les races à viande pourtant plus chères. Même si un accord a été trouvé dans la filière laitière, la crise du lait pourrait bien durer, si bien que les éleveurs bovins s’attendent à des mois difficiles et anticipent.

Le dernier épisode d’une crise au long cours. La colère des éleveurs est d’autant moins surprenante que ce n’est pas la première fois qu’ils haussent le ton. Le secteur s’est mobilisé en 2010 et avait remis le couvert il y a tout juste un an. Le gouvernement avait alors lancé un plan d’urgence à base d’annulations ou de reports de charges et cotisations, d’avances de remboursement de TVA ou encore de restructuration des dettes. Mais le principal sujet d’achoppement, le prix payé à l’abattoir, n’avait pas été résolu : malgré l’intervention d’un médiateur, le reste de la filière n’a pas respecté sa promesse de mieux rémunérer les éleveurs bovins. Le regain de tension actuel est donc tout sauf une surprise.  

 

Que demandent les éleveurs bovins ?

Selon la fédération nationale bovine (FNB), branche spécialisée de la FNSEA, le prix de la viande bovine a perdu en deux ans 70 centimes par kilo, soit une perte moyenne de 300 euros par animal commercialisé. Résultat, son président assure que "plus de la moitié de nos producteurs de viande demandent le revenu minimum (le RSA, ndlr)".

Les éleveurs demandent de meilleurs tarifs, ce qui passe avant tout par une hausse de la consommation. Ils souhaitent donc que l’industrie agroalimentaire et la distribution valorisent davantage la viande française et, si possible, de qualité. Carrefour étant le premier acheteur de viande dans l’Hexagone, il est devenu une cible naturelle, les éleveurs faisant le pari suivant : si Carrefour franchit le cap, le reste de la grande distribution sera forcé de le suivre.