Ce n’est pas une douche froide, mais la croissance molle confirmée par l’Insee pour 2016 n’en est pas moins une nouvelle désagréable pour le gouvernement. Alors qu’il tablait sur une augmentation du PIB de 1,4% l’an dernier, il lui faut se contenter d’un petit 1,1%. La croissance a même ralenti puisqu’elle était de 1,2% en 2015. Le chiffre est d’autant plus inattendu qu’il est inférieur à l’ensemble des prévisions traditionnelles : la Banque de France, le FMI, l’OCDE et la Commission européenne prévoyaient 1,3% tandis que l’Insee, après avoir longtemps anticipé 1,3%, était descendu à 1,2%.
Des obstacles conjoncturels
Si la croissance coince, c’est notamment à cause de "trois facteurs conjoncturels franco-français", explique Eric Heyer, directeur au département analyse et prévision de l’OFCE. D’abord, la météo : "les inondations et les intempéries ont fragilisé l’économie, notamment l’agriculture, et pesé à hauteur de -0,2% sur le PIB en 2016", rappelle l’économiste. Ensuite, les attentats de Paris et de Nice ont entraîné une baisse de l’activité touristique avec un impact de -0,15% sur le PIB.
"Le 1,1% peut se lire comme un 1,5%". Enfin, les grèves du printemps (cheminots, loi Travail) ont handicapé l’activité économique, qui s’est contractée de 0,14% au deuxième trimestre. "En général, les pertes dues aux grèves sont compensées dans les entreprises dans les mois qui suivent mais cela ne se reflète pas sur la moyenne annuelle", précise Eric Heyer. Résultat, l’ensemble de ces phénomènes ponctuels a coûté environ 0,5% de croissance à la France. Avec les corrections, "le 1,1% peut donc se lire comme un 1,5%".
Les exportations dans le dur. Selon l’Insee, la croissance en 2016 est également affectée par le net ralentissement des exportations : +0,9% contre +6% en 2015. "Par conséquent, le solde extérieur pèse davantage sur la croissance en 2016 qu'en 2015 (-0,9 point après -0,3 point)", indique l'Insee. Néanmoins, la France a regagné de la compétitivité l’an dernier. Selon l’institut Coe-Rexecode, le coût du travail a augmenté de seulement 0,8% depuis 2012 dans l’Hexagone, contre 3,7% en zone euro et 9% en Allemagne.
Le fruit de l’action du gouvernement
Malgré la croissance annuelle décevante, Michel Sapin a salué les résultats positifs de l’action du gouvernement. "Pour la deuxième année consécutive, l'activité économique aura été dynamique et aura permis de faire reculer le chômage, tout en réduisant le déficit public", a affirmé le ministre de l’Économie.
Hausse des créations d’emplois. Michel Sapin a des raisons d’être optimiste. Sur les trois premiers trimestres de 2016, l’économie française a créé 127.600 emplois dans les secteurs marchands (hors agriculture), contre 99.000 sur l’ensemble de l’année 2015. "Avec 1,1% de croissance, on aurait dû en créer deux fois moins. C’est, en partie, la conséquence du CICE et du Pacte de responsabilité", estime Eric Heyer. "Les marges des entreprises se sont restaurées, comme le préconisait le rapport Gallois de 2012, au niveau d’avant le quinquennat Hollande". Concernant le déficit public, il s’est bel et bien réduit, de près de 5% du PIB lors de l’entrée en fonctions de François Hollande à 3,3% en 2016. "De tels résultats avec une croissance aussi molle, c’est plutôt positif", souligne l’économiste de l’OFCE.
Des avancées pour le chômage. Sur le front du chômage, le bilan est plus mitigé. En 2016, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A à Pôle Emploi a baissé de 3%, une première depuis 2007, et s’est stabilisé pour les catégories A, B et C. De même, le taux de chômage défini par l’Insee continue de reculer à 9,7% en France métropolitaine au troisième trimestre, du jamais vu depuis fin 2012. "Le problème, c’est que le nombre de chômeurs reste encore très élevé", note Eric Heyer.
La reprise est lancée
Au-delà du 1,1% de croissance annuelle, le 0,4% au quatrième trimestre est, pour Michel Sapin, "le signe d'une reprise qui s'installe durablement et, surtout, qui prend de l'ampleur". "La dynamique est prometteuse", confirme Eric Heyer. D’autant qu’au-delà du chiffre vague de la croissance, d’autres indicateurs économiques sont positifs. "Le climat de confiance des industriels et des ménages atteint un niveau plus observé depuis longtemps. La consommation des ménages (+1,8% sur un an et +0,6% au quatrième trimestre) et l’investissement des entreprises (+4,3% en 2016) continuent de progresser", liste l’économiste. A cela, il faut donc ajouter les créations d’emploi mais aussi les défaillances d’entreprises, en baisse de 8,3% l’an dernier (-12% au quatrième trimestre) et qui redescendent au niveau de 2008.
Croissance équilibrée. Résultat, non seulement la croissance française semble retrouver du dynamisme mais en plus, "elle est bien équilibrée", pointe Eric Heyer. "C’est un avantage pour deux raisons. Si un moteur s’éteint, les autres compensent. Et surtout, les indicateurs s’alimentent les uns les autres : les créations d’emplois et la baisse du chômage entraînent une nouvelle distribution des richesses qui donnent du pouvoir d’achat aux ménages. Ils consomment plus et cela peut aboutir à un cercle vertueux pour l’économie".
Ambitions pour 2017. L’objectif du gouvernement de 1,5% de croissance en 2017 serait donc réaliste ? Sur le papier oui, estime Eric Heyer. "Le seul bémol, c’est que certes tous les feux sont au vert, mais ils sont encore faiblement allumés. De fait, la reprise actuelle est très fragile. Mais s’il n’y a pas trop de phénomènes conjoncturels négatifs – il faudra voir si le tourisme se redresse -, 1,5% c’est réaliste". Néanmoins, la remontée de l’euro (désormais à quasi-parité avec le dollar) et du baril de pétrole, ainsi que celle probable des taux d’intérêts, invitent à la prudence. Le FMI, la Banque de France et l’OCDE avancent plutôt le chiffre de 1,3% de croissance l’an prochain.