Le recul rend sa réponse d'autant plus troublante. Le 14 novembre 2017, Carlos Ghosn, PDG de Renault, donnait une conférence devant des étudiants de l'école ESCP à Paris. Un journaliste d'Europe 1 présent sur place, Alexandre Lepoutre, lui avait alors demandé : "doit-on interdire l’optimisation fiscale ?". Un an avant que des soupçons de malversation ne conduisent à l'arrestation fracassante de l'industriel libano-brésilo-français à Tokyo, celui-ci se prononçait contre toute pratique illégale, évoquant les risques de "choc gigantesque" pour une entreprise qui serait touchée par un tel scandale.
Enfreindre les règles "ne doit pas arriver". "C’est une question intéressante parce qu'un PDG engage sa responsabilité devant ses actionnaires. […] Dans les règles, il doit respecter la loi. Mais sa responsabilité c’est d’optimiser l’activité pour ses actionnaires. C’est son devoir ! S’il ne fait pas, il est viré", répondait alors Carlos Ghosn au journaliste d'Europe 1, affirmant alors : "Faire de l’optimisation fiscale en enfreignant la loi ou les règles - ou alors en dissimulant quelque chose - bien entendu, ça, ça ne doit pas arriver."
"Pour moi, le respect des règles est indispensable à la pérennité de l’entreprise", soulignait encore le dirigeant, désormais soupçonné d'avoir validé des documents financiers comportant des inexactitudes sur ses propres revenus, ce qu'il nierait selon des informations de la presse japonaise. Et d'avertir à l'époque : "le jour où vous vous faites prendre en faisant quelque chose de mal, c’est un choc gigantesque pour l’entreprise."
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Produire de la richesse avant tout. Carlos Ghosn soutenait également qu'il était impossible pour un grand patron de construire un montage financier sans mettre dans la confidence plusieurs membres de la direction de l'entreprise, tordant le cou à l'image du PDG tout puissant, seul maître à bord. "De toute évidence, quand vous le faites, vous le dites à votre conseil d’administration. Ce n’est pas une décision que va prendre le PDG seul en se disant : 'je vais créer une filiale dans un paradis fiscal quelque part'. Vous le dites à plusieurs personnes", expliquait-il. "Et n’oubliez pas : si un jour vous devenez un PDG, votre devoir à l’égard de vos actionnaires c’est de leur apporter de la richesse, et toujours dans la légalité, et dans les règles", concluait-il.
L'arrestation le 19 novembre du patron de Renault-Nissan a mis au jour de nombreuses tensions au sein du constructeur japonais, désireux selon certaines sources de prendre ses distances avec le président de l'alliance, jugé trop proche de l'Etat français.