Le sentiment d’abandon vécu par certains territoires ne se limite pas à des bureaux de poste et des écoles qui ferment ou aux déserts médicaux : parfois, ce sont aussi les commerces de base qui ferment leurs portes, ce qui oblige les habitants à rouler de longues minutes pour accéder à ces services de la vie courante. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, l’Insee a mené une enquête sur les temps d’accès à ces services indispensables. Bilan : si un habitant sur deux y accède en moins de 4 minutes par voie routière, le temps de trajet peut rapidement doubler. Voire plus dans les zones en rouge sur la carte (ci-dessus) réalisée par l’Insee.
Qu’a mesuré l’Insee ? L’institut s’est penché sur les conditions d’accès des habitants aux services de proximités en mesurant le temps de trajet nécessaire pour y accéder. Pour être le plus représentatif, l’Insee a élaboré "un panier d’équipements ou de services considérés comme essentiels dans la vie courante" qui "regroupe à la fois des commerces (boulangeries, supermarchés…), des établissements d’enseignement (écoles, collèges, lycées), des services de soins de première nécessité, des services pour les personnes âgées ou les jeunes enfants". Après avoir calculé le temps de trajet moyen pour chacun de ces services, l’Insee a fait des moyennes : pour l’ensemble de la population puis pour certains profils.
Un Français sur deux à moins de 4 minutes. Résultat, "en France métropolitaine, la moitié de la population, vivant dans 3 000 communes, accède à chacun des équipements du ‘panier de la vie courante’ en moins de 4 minutes". Dans les 13.000 communes les moins densément peuplées, c’est en revanche beaucoup plus long, surtout si elles ne sont pas situées aux alentours d’une agglomération : pour ces habitants, qui représentent 5% de la population, il faut compter au moins de 9 minutes de trajet.
Parce qu’on n’a pas les mêmes besoins selon l’âge, l’Insee a mené le même travail en fonction de quatre profils : le panier "vie courante", le panier "jeunes" (qui inclut des installations sportives et les auto-école), le panier "parents" (avec davantage de services de scolaires) et enfin le panier "seniors", dans lequel la santé prédomine. Un découpage plus fin qui montre que si les seniors n’ont que 5 à 8 minutes à effectuer en voiture, ce délai dépasse très souvent les 10 minutes chez les jeunes. Et atteint les 20 minutes chez les jeunes.
De fortes inégalités selon les régions. Le temps de trajet nécessaire varie aussi selon les régions. C’est en Corse qu’il faut conduire le plus longtemps pour accéder à ces services de base : moins de 60% des habitants ont accès aux principaux services de la vie courante en moins de 7 minutes. Suivent ensuite la Bourgogne France-Comté et le Centre Val de Loire. A l’opposé de l’Ile-de-France, où 98,8% de la population y a accès en moins de 7 minutes, suivie par la Provence-Alpes-Côte d’Azur (95%) et le Nord-Pas-de-Calais Picardie (91 %).
Mais la nouvelle carte des régions masque certaines disparités, comme le souligne l’Insee : les habitant du Nord-Pas-de-Calais sont bien plus près des services de base que ceux de Picardie. Il en va de même pour l’Alsace par rapport à la Lorraine et la Champagne-Ardenne ou pour le Rhône-Alpes par rapport à l’Auvergne.
Comment expliquer de tels écarts ? C’est avant tout la densité de population qui influe sur les temps de trajet : habiter dans une grande ville permet d’avoir rapidement accès à tous ces services, tandis que résider dans un village isolé oblige à prendre la route pour la plupart de ses besoins. Mais il n’y a pas que la densité qui compte : la géographie joue évidemment un rôle et explique que les habitants des Alpes, des Pyrénées, de la Corse ou des Cévennes sont ceux qui doivent passer le plus de temps en voiture pour accéder aux services de base.