La guerre des prix fait rage depuis plusieurs mois dans la grande distribution. Selon des chiffres de l'Insee, les prix ont en effet reculé de 0.2% le mois dernier, et de 0,8% sur an. Une baisse que ne ressentent pas forcément les consommateurs. Et qui risquent de faire des victimes chez les producteurs.
Comment expliquer cette baisse ? Sur les 1.660 produits les plus vendus en France, pas moins de 80% ont baissé depuis septembre 2013. La cause ? Cette baisse des prix provient, en partie, d'une baisse de certaines matières premières agricoles au niveau mondial. Mais aussi de la guerre que se livrent les enseignes depuis des mois. La concurrence et la crise poussent en effet les distributeurs à vouloir attirer les clients chez eux en baissant les prix de leurs produits préférés.
"On a observé que le paquet de M&M's a baissé de 17% en un an par exemple. Les distributeurs se font la guerre sur les marques les plus demandées par les consommateurs", confirme au micro d'Europe1 Richard Painquiaut, directeur de l'Institut de liaison et d'études des industries de consommation (Ilec).
Les prix des grandes marques, qui font venir les clients, baissent donc plus vite que les prix des marques de distributeurs. L'écart entre les deux est actuellement au plus bas, environ de 25%. Concrètement, la différence de prix entre du Nutella et une pâte à tartiner de supermarchés n'est plus que de quelques centimes. Et cela se vérifie pour de nombreux produits, comme le café ou la lessive. On peut même délaisser le meilleur des mousseux pour un champagne d'entrée de gamme.
Cela ne va pas s'arrêter là. Cette guerre des prix n'est pas prête de prendre fin. "Les prix sont une donnée visible par tout le monde. Résultat : quand un prix baisse quelque part, tous les distributeurs ont envie de s'aligner", décrypte Amaury Boisset, l'un des responsables de la marque de biscuits Michel Et Augustin. Et pour remporter la bataille, chacun y va de sa stratégie. Intermarché et Casino, d'un côté, Auchan et Système U, de l'autre, viennent tout juste de nouer des alliances pour faire leurs achats en commun sur les grandes marques. Le but étant, encore une fois, de tirer les prix le plus bas possible pour attirer le client tout en restant rentable.
Les consommateurs ne le ressentent pas… Paradoxalement, les consommateurs semblent ne pas ressentir cette baisse. Selon une étude de l'Observatoire société et consommation (Obosco) publiée début octobre, 56% des clients jugent que la hausse des prix s'accélèrent. Cet été, un sondage de l'IRI avançait même le chiffre de 80%. Et pour cause, la baisse reste moindre sur le ticket de caisse final. Le foyer moyen économise en ce moment environ 2,50 euros par mois par rapport à l'an dernier, selon les industriels. En outre, la baisse des prix est concentrée sur les grandes marques. Ce qui pousse les consommateurs à délaisser les marques distributeurs, qui restent malgré tout moins chères.
… Les producteurs, oui. Et si cette baisse des prix n'affecte pas trop les marges des distributeurs, elle risque de pénaliser les producteurs. Car on leur demande de plus en plus d'efforts pour vendre leurs produits moins chers."La guerre des prix tue une entreprise par jour. Elle tire tout le monde vers le bas puisqu'à ce stade, il n'est plus possible de garantir aux consommateurs la diversité et la qualité des produits alimentaires", dénonce ainsi Jean-Philippe Girard, président de l'association nationale des industries alimentaires (ANIA), dans une interview à Challenges. Une inquiétude qui s'étend jusqu'au sommet de l'Etat.
Les ministres de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, et celui de l'Economie, Emmanuel Macron, réuniront d'ailleurs, selon les informations d'Europe1, les acteurs de la grande distribution et les producteurs agroalimentaires le 23 octobre, pour évoquer avec eux cette "guerre". Entre la défense du pouvoir d'achat et celle de l'emploi chez les producteurs, le gouvernement va devoir trouver une riposte équilibrée, histoire que la "guerre" ne fasse pas de victimes.