La flamme est allumée, place au sport ! Pendant deux semaines, le monde va vivre au rythme des Jeux olympiques de Pyeongchang. Le ton a été donné dès la cérémonie d’ouverture grandiose. Les organisateurs n’ont pas lésiné sur les moyens pour faire de ces Jeux une réussite. Une logique qui prévaut depuis le dépôt de la candidature sud-coréenne : les JO 2018 font d’ores et déjà partie des éditions hivernales les plus coûteuses de l’histoire. Et la gestion de "l’après Jeux" pourrait encore alourdir une facture déjà salée. On fait le bilan en cinq chiffres clés.
Un budget de 6,4 milliards d’euros… qui va exploser
En juillet 2011, lorsque Pyeongchang a remporté les Jeux 2018, le comité d’organisation prévoyait un budget de 6,4 milliards d’euros. Sept ans plus tard, le coût estimé de l’événement a grimpé à 10,5 milliards d’euros. C’est plus que ce qui était envisagé avant les JO de Sotchi en 2014, l’édition la plus chère de l’histoire. Finalement, le coût total avait explosé et atteint 36 milliards d’euros ! Pas sûr que Pyeongchang dérape à ce point mais une chose est sûre : à l’exception de Los Angeles 1984, aucun rendez-vous olympique n’a respecté son budget. Reste à savoir dans quelle proportion les Coréens le dépasseront.
Derrière le budget colossal des Jeux de Pyeongchang, il y a des investissements massifs. La province de Gangwon et les organisateurs ont construit six lieux spécialement dédiés aux JO (dont deux villages olympiques, contre un seul habituellement) et rénové six installations existantes, pour un total de 670 millions d’euros. Mais plusieurs éléments n’ont pas été comptés. Ainsi va des tremplins de saut à ski et des pistes de biathlon, dont la construction avait été lancée dès… 2005, alors que Pyeongchang candidatait pour les Jeux de 2010, finalement attribués à Vancouver. Des sites ensuite entretenus en vue de la candidature (encore perdue) de 2014. Au final, le double échec de la Corée du Sud s’ajoute à la facture de la seule organisation. Les autorités coréennes espèrent quand même des retombées économiques de l'ordre de 40 milliards.
Un stade à 84 millions d’euros pour quatre soirées
C’est le coût du stade olympique de Pyeongchang, construit spécialement pour l’occasion. En soi, le montant n’est pas exorbitant : à titre de comparaison, le stade olympique de Londres, bâti pour les JO d’été en 2012, a coûté entre 450 et 600 millions d’euros selon les estimations. Le problème, c’est que là où le stade londonien a ensuite servi de résidence au club de foot de West Ham, accueilli des matches de la Coupe du monde de rugby en 2015 ou les Mondiaux d’athlétisme en 2017, l’enceinte de Pyeongchang sera démontée… en mars.
En tout et pour tout, le stade sud-coréen servira à quatre reprises, pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques (9 et 25 février) et paralympiques (9 et 18 mars). Faites le calcul, 21 millions d’euros la soirée, ça fait cher le défilé. D’autant plus que le financement provient seulement à 50% de l’État, le reste échouant à la province de Gangwon, l’une des plus pauvres et les moins peuplées, déjà en souffrance financièrement. L’écrin pentagonal qui peut accueillir 35.000 places sera démonté au printemps pour laisser place à un parc public. Seule une des tribunes sera conservée pour le Musée des Jeux.
Plus de 8 milliards investis dans les transports
Le budget des Jeux prend en compte tout ce qui a trait aux épreuves et aux sites olympiques. Mais il n’inclut pas les 8,4 milliards d’euros déboursés par les pouvoirs publics pour des infrastructures d’habitation et de transport. En vue d’accueillir les touristes qui assistent aux JO, la Corée du Sud a lâché 3,8 milliards d’euros pour la construction du nouveau terminal -qui vient d’être inauguré- à l’aéroport d’Incheon de Séoul.
La division géographique entre les deux sites principaux a également engendré des besoins de liaisons. Le gouvernement a donc financé la construction de la ligne de train à grande vitesse qui relie Séoul à Gangneung, le site côtier dédié aux sports de glace, en 1h40, pour la bagatelle de 2,8 milliards d’euros. Des investissements conséquents qui resserviront tout de même à l’avenir aux habitants des régions concernées.
77% de billets vendus
Le taux de remplissage des tribunes pendant les épreuves est à chaque édition un point crucial du budget d’organisation. Après avoir démarré lentement (41% de billets vendus mi-novembre), les ventes ont fini par décoller en décembre (61% en fin d’année) avant de stagner : lundi, quatre jours avant la cérémonie d’ouverture, 77% des 1,07 million de places avaient été écoulées. La crise politique entre la Corée du Sud et son belliqueux voisin du Nord ainsi que la suspension de nombreux athlètes russes pour dopage ont sans doute découragé les amateurs de sports d’hiver.
Le comité d’organisation se satisfait pour l’instant de ces chiffres mais s’inquiète toutefois des ventes des billets les plus chers. Les membres du comité ont reconnu que la tranche haute des places (de 170 à 740 euros pour certaines épreuves) peine à trouver preneurs. A tel point qu’une "task force" a été mise en place pour trouver une solution à ces billets invendus. La descente, le ski de fond et le patinage de vitesse font le plein mais le biathlon et le combiné nordique peinent à intéresser les Coréens.
Pertes annuelles de 8,4 millions d’euros
Si l’organisation des Jeux est déjà coûteuse, c’est souvent la gestion de "l’après" qui fait déraper le budget. Et le cas de Pyeongchang est assez inquiétant. La piste de ski alpin de Jeongseon, construite exprès dans une forêt jusqu'alors préservée, sera rasée et rendue à son état naturel. Mais on ignore si le gouvernement acceptera de payer la facture de 33 millions d’euros nécessaires à la réhabilitation de l'endroit. Même problématique pour l'Ovale de Gangneung, qui accueille le patinage de vitesse. Aucun projet définitif n'a été arrêté pour l'avenir de cette installation à 98 millions d'euros sur la côte orientale. L’arène de hockey, les installations de saut à ski et la piste de bobsleigh risquent aussi de finir à l’abandon.
"Ils y sont allés à l'aveugle et ont remporté le morceau", commente Yu Tae-Ho, professeur de sciences du sport à l'Université Korea. "Mais ils n'ont aucun projet concret pour l'après Jeux." D'après You Ji-Gon, chercheur à l'Institut Corée pour les sciences du sport, la partie sera spécialement ardue pour Gangwon "à cause de son éloignement des zones peuplées et du faible nombre d'amateurs de sports d'hiver en Corée du Sud". La province s'exposerait à des pertes annuelles minimum de 8,4 millions d’euros pour maintenir ouverts l'ovale de patinage de vitesse, la patinoire de hockey sur glace ou celle de patinage artistique, qui doit être transformée en centre de loisirs. "Quels que soient ceux qui reprendront ces installations, il sera difficile de les rentabiliser" reconnaît Park Chul-Sin, membre des autorités provinciales chargé de la gestion de l'héritage olympique, appelant Séoul à couvrir les frais. "Les sports d'hiver ne sont pas très populaires dans ce pays."