On n'imaginait pas ce genre de difficulté il y a encore 18 mois : prises de court par l'accélération de la croissance, de plus en plus d'entreprises - une sur trois, selon le ministère du Travail - n'arrivent pas à trouver les compétences qu'elles recherchent et se voient ainsi contraintes de laisser filer des commandes qui leur tendent les bras. Les économistes s'en alarment : ces tensions commencent à brider la croissance.
"Ce marché risque de nous échapper". Dans le transport de marchandises, c'est ce qu'on appelle un beau contrat : des rotations assurées pour 40 camions pendant quatre ans. Pascal Barré s'est associé à un autre transporteur pour le décrocher auprès d'un gros client de la région parisienne. Lui est prêt à mettre 20 de ses camions sur le coup et son confrère les 20 autres. Problème : ils n'ont pas les chauffeurs… "Ce marché risque de nous échapper parce que si on ne trouve pas les conducteurs, on ne sera pas à jour avec l’appel d’offres", explique-t-il.
"On perd déjà pas loin un demi-point de croissance en rythme annuel". Le transport routier, les travaux publics, le bâtiment... la liste des secteurs impactés s'allonge. Et Patrick Artus, directeur de la recherche chez Natixis, l'admet : la pénurie de main d'œuvre commence à peser sur la croissance. "On voit bien que les entreprises pourraient produire plus, puisque la demande est là, si elles n’avaient pas ce problème de recrutement. Si vous essayez d’estimer ce que ça nous coute, en regardant l’écart entre les carnets de commandes et la production, je pense qu’on perd déjà pas loin un demi-point de croissance en rythme annuel".
La formation : voilà la solution, dit le gouvernement qui vante sa réforme. Mais il faudra du temps. Et en attendant, les commandes passent...