La crise du porc a connu un nouvel épisode jeudi, après le refus des deux poids lourds du secteur, Cooperl et Bigard, de participer au marché de référence de ce secteur. Les éleveurs porcins, qui multiplient les actions pour obtenir une revalorisation des prix, en appellent donc à l’Etat pour tenter de trouver une solution. L’occasion de se poser une question simple : est-ce parce que les Français consomment moins de porc que la filière se porte mal ?
Une baisse de la consommation toutes viandes confondues. Après une hausse quasi continue depuis les années 1970, la consommation de viande en France a commencé à reculer à partir des années 1998 selon les chiffres de France AgriMer. Une tendance confirmée par le syndicat national de l’industrie des viandes : aujourd’hui, un Français consomme en moyenne 32 kilos de porc par an, soit 2,5 kilos de moins qu’il y a dix ans.
Pourquoi les Français mangent-ils moins de viande ? La faute à la crise économique, qui contraint le budget des ménages, et aux scandales alimentaires à répétition (crise la vache folle, grippe aviaire, scandale de la viande de cheval travestie en viande de bœuf, etc.). Mais pas seulement puisque l’évolution des habitudes alimentaires joue également un grand rôle : la consommation quotidienne de viande n’est plus conseillée par le corps médical et la culture du plat préparé réduit les volumes consommés. "L’évolution des modes de consommation et le snacking font que la quantité absorbée diminue de par le produit : vous mangez une côte de porc, vous allez manger 130 grammes, vous prenez un beefsteak de boeuf, vous allez manger 140 grammes. Vous mangez une pizza ou un sandwich, vous allez manger entre 10 et 20 grammes", détaille Thierry Meyer, responsable de la filière porc au syndicat national de l’industrie des viandes.
Le porc résiste mieux, mais… Sur le long terme, les Français mangent donc moins de porc mais aussi de toutes les autres viandes. Paradoxalement, depuis la crise de 2008, le porc est - avec la volaille - la viande qui résiste le mieux à cette baisse de la consommation. Les viandes de mouton, de chèvre et de cheval sont celles dont la consommation a le plus été impactée par la crise.
La viande porcine n’est donc pas boudée par les consommateurs français, loin de là. Comment alors expliquer que le nombre d’élevages porcins français soit passé de 8.400 à 5.000 entre 2000 et 2014, soit une baisse de 40%, alors que la consommation de viande de porc n’a pas autant chuté ? Parce que le porc consommé dans l’Hexagone est de moins en moins élevé en France : alors que la production française reculait en volumes de près de 3,4% entre 2008 et 2014, les importations augmentaient dans le même temps de 2,4%, selon les chiffres de France AgriMer. D’où les critiques des éleveurs français dénonçant leurs voisins espagnols (qui représentaient en valeur 50% du porc importé en 2014) et allemands (21% du porc importé en 2014).
Le porc de meilleure qualité, la solution ? Si les Français consomment moins de porc qu’auparavant, ce n’est qu’à la marge et cela n’explique pas entièrement les difficultés de la filière française, de plus en plus concurrencée par ses voisins. Certains éleveurs échappent néanmoins à cette morosité ambiante : la viande de porc estampillée Label Rouge ou IGP (indication géographique protégé), ainsi que le porc bio ont le vent en poupe. Ces niches ne représentent que 5% du porc consommé en France mais cette proportion augmente. La montée en gamme peut donc être une solution, mais il n’est pas sûr qu’elle puisse être généralisée à toute la filière. Surtout pour une viande dont l’un des principaux atouts est son prix bas.