Les parcs d’attraction sont-ils devenus la nouvelle martingale des élus locaux pour dynamiser leurs territoires ? La liste des parcs d’attraction en construction est longue : Heroic Land à Calais, parc Spirou à Monteux, Napoléon Parc, etc. Si les maires militent tant pour accueillir de telles installations, c’est avant tout parce qu’elles génèrent d’importantes retombées économiques et contribuent au rayonnement de la commune. Encore faut-il ne pas tomber dans la folie des grandeurs.
Des annonces de parcs en cascade. 50 hectares, 275 millions d’euros d’investissement, 32 attractions réparties en six univers : en dévoilant de tels chiffres lundi, la maire de Calais, Natacha Bouchart, n’a pas caché son ambition pour le parc d’attraction Heroic Land qu’abritera la ville à partir de 2019. Un cas loin d’être isolé : de très nombreux projets de parcs d’attraction sont dans les cartons.
Monteux, dans le Vaucluse, devrait accueillir un parc Spirou en 2017 ou 2018 après avoir inauguré cet été un parc aquatique baptisé Splash World, tandis que la région de Carcassonne mise sur un projet autour des Templiers et des Cathares pour 2020. A Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne, c’est un projet de parc autour de Napoléon qui est à l’étude.
Derrière les paillettes, des enjeux économiques. Si les élus locaux misent tant sur les parcs d’attraction, ce n’est par amour de la barbe à papa : de telles installations doivent permettre de dynamiser un territoire et générer d’importantes retombées économiques. Il y a d’abord les créations d’emploi : les promoteurs du projet Heroic Land tablent sur 1.000 créations d’emplois. Pour le parc Spirou, le maire PS de Monteux, Christian Gros, évoque "1.000 emplois directs et 1.500 emplois indirects à l’horizon 2020". Idem dans la région de Carcassonne : le maire PS de Douzens, Philippe Rappeneau, attend "1.000 emplois pérennes, des contrats à durée indéterminée, 400 à 500 emplois supplémentaires pendant la période estivale et environ 1.000 emplois induits puisqu’il faut faire marcher les hôtels à l’intérieur du parc, approvisionner les restaurants. Ce serait une aubaine de pouvoir proposer des centaines d’emplois à ceux qui, hélas, en cherchent et n’arrivent pas à en trouver".
Mais il y a aussi les retombées financières. Car les visiteurs peuvent séjourner deux ou trois jours dans la région et donc prendre un hôtel, fréquenter les restaurants et les commerces, etc. Sans oublier le loyer versé par le parc d’attraction à la commune ou les rentrées fiscales. Certaines villes peuvent même être actionnaires du futur parc, ou miser sur des sources de revenu moins risquées. A Monteux, le maire a ainsi décidé de garder la main sur les parkings : "on a une source de profit, c’est les parkings qu’on va gérer en direct : imaginez un million de visiteurs à trois personnes par voiture, cela fait 300.000 véhicules". Bref, l’enjeu est de taille, comme le résume le Syndicat national des espaces de loisirs, d’attractions et culturels (Snelac) : "un euro dépensé par un visiteur, c’est 3 euros en termes de retombées économiques pour la commune", estime le Syndicat national des espaces de loisirs, d’attractions et culturels (Snelac).
" "Un euro dépensé par un visiteur, c’est 3 euros en termes de retombées économiques pour la commune" "
Gare aux parcs peu attractifs. Sur le papier, accueillir un parc d’attraction ressemble à un conte de fées. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard sur les projets se multiplient en période électorales. Mais le retour à la réalité peut être compliqué : le parc Terra Botanica à Angers a viré au fiasco et coûte aujourd’hui très cher. Les communes ont financé l’aménagement de la zone, sa desserte, mais n’encaissent pas les retombées économiques espérées. "Beaucoup de projets fleurissent mais ne voient pas le jour", prévient le Snelac, avant de souligner que de tels projets "prennent du temps". Le Puy du fou a mis trente ans avant d’en arriver à une fréquentation frôlant les 1,9 million d’euros, tandis que le Futuroscope a dû attendre 15 ans avant de trouver un rythme de croisière.
Outre la patience, la prudence est de mise face à des promoteurs qui ont tendance à surestimer la fréquentation. Lancé en 2002, le parc Vulcania tablait initialement sur un million de visiteurs par an, alors qu’il n’accueille que 300.000 personnes par an. "Quelqu’un qui annonce un parc à plus d’un million d’entrées… attention, prudence", prévient le Snelac. Un conseil visiblement ignoré par Heroic Land, qui promet 1,5 million de visiteurs dès la première année. Le Napoleon parc est lui encore plus optimiste : 2 millions de visiteurs à terme.
Plus modeste, le maire de Monteux explique que "Splashworld dimensionne son démarrage autour de 300.000 visiteurs par an et Spirou pense démarrer à 500.000 et atteindre rapidement le million de visiteurs." Avec une méthode déjà prête : "l’univers Spirou, c’est aussi Gaston Lagaffe, Lucky Luck, le Marsupilami, les Tuniques bleues : il y a donc la possibilité d’ajouter des personnages nouveaux de manière à renouveler l’intérêt des visiteurs". Un parc d’attraction, c’est du rêve mais aussi un projet économique qu’il faut bien ficeler pour éviter qu’il ne vire au cauchemar.