Ce n’est pas parce qu’on est un grand groupe doté d’une trésorerie XXL qu’on paie ses fournisseurs en temps et en heure, bien au contraire. Les retards de paiement - c’est-à-dire le délai entre la présentation d’une facture et son règlement - sont en hausse de près de 12 % sur un an, selon le baromètre réalisé par la Médiation inter-entreprises, en partenariat avec le cabinet Altares. Cette étude trimestrielle* montre que les 120 plus grands donneurs d’ordre paient leurs fournisseurs avec en moyenne 13,6 jours de retard, fragilisant toute une série d’entreprises en aval, principalement des PME et TPE.
3,874 milliards d’euros en attente de paiement. Si les entreprises sont toujours pressées pour vendre leurs biens et services, elles le sont beaucoup moins lorsqu’il s’agit de régler ses factures. Une manière de gonfler sa trésorerie qui prend de plus en plus d’ampleur : fin juillet, les 120 plus grands donneurs d’ordre devaient ainsi 3,874 milliards d’euros à leurs fournisseurs, un chiffre en hausse de 11,7% sur un an. C’est autant d’argent qui est resté dans leurs caisses et a manqué à leur fournisseur, des entreprises souvent de taille bien plus petites et pour qui cet argent fait cruellement défaut.
Des factures réglées avec 13,6 jours de moyenne. Si les entreprises ont de plus ne plus de factures non réglées, elles ont en revanche fait un effort sur les délais de paiement : il est désormais de 13,6 jours en moyenne. Un chiffre qui s’est stabilisé depuis le mois d’avril après un pic historique en milieu d’année.
Mais le retard moyen s’allonge sur un an, passant de 11,8 jours à 13,6 jours et pose de sérieux problèmes aux entreprises, d’autant plus que les fournisseurs sont souvent de taille plus réduite que leurs clients. "On a des retards quasi systématiques de beaucoup de donneurs d’ordre envers leurs fournisseurs et on sait que c’est une catastrophe pour les petites entreprises qui attendent ces paiements et qui, du coup, n’ont plus de trésorerie. C’est la cause de 25% des faillites d’entreprises aujourd’hui", souligne Patrick Pelouzet, médiateur national des relations inter-entreprises.
Comment en est-on arrivé là ? Du côté de la Médiation inter-entreprises, on avance "deux formes d’explication : on voit ceux qui le font exprès, parce que c’est bien d’avoir une trésorerie confortable quand on est un grand groupe. Et puis on a ceux qui ont des processus tellement compliqués que même quand ils veulent payer la facture, ils n’y arrivent pas". "Dans les deux cas, la conséquence est la même", poursuit Patrick Pelouzet : "ces patrons de PME qui s’arrachent les cheveux parce qu’ils attendent le paiement de ces factures pour des services qu’ils ont rendus, des biens qu’ils ont livrés et l’argent ne rentre pas".
Ce retard peut même devenir dangereux pour les petites entreprises lorsque le retard de paiement dépasse les 30 jours, ce qui arrive dans 8% des cas. Une menace qui avait poussé le gouvernement a lancé au printemps 2013 une série de contrôles pour vérifier que les grandes entreprises - mais aussi l’Etat - respectent la loi. Les lois Hamon et Macron doivent également renforcer les contrôles et les sanctions.
Et visiblement, le message commence à passer. "Malgré tout, on est content de voir que depuis un trimestre il y a une petite chose qui se passe : 100 millions de moins de retard, c’est quand même important, c’est 100 millions qui sont allés vers les PME et les TPE. J’espère que c’est le début d’une prise de conscience et j’espère que cette prise de conscience va se prolonger et, trimestre après trimestre, on saura si la prise de conscience se transforme en actes", conclut Patrick Pelouzet.
* L'indicateur trimestriel des retards de paiement est réalisé par la Médiation inter-entreperise en partenariat avec Altares. Il résulte de l’analyse des balances de paiement des 120 plus grands donneurs d'ordre en France, qu'il s'agisse d’entreprises ou d'organismes publics.