L'imbroglio autour du projet de loi Travail se poursuit. Après avoir annoncé mercredi matin que la manifestation prévue jeudi était interdite, les autorités ont finalement autorisé le rassemblement. Retour sur une matinée mouvementée.
Les principales informations à retenir :
• Les autorités ont finalement autorisé une manifestation le 23 juin
• Quelques heures auparavant, ce rassemblement avait été interdit, provoquant l'ire des syndicats
• Cette interdiction temporaire a divisé autant la gauche que la droite
Syndicats et gouvernement trouvent finalement un compromis. Après des échanges "serrés" avec le ministre de l'Intérieur, un accord a finalement pu être trouvé in extremis. La CGT et FO ont annoncé en milieu de journée que la manifestation aurait bien lieu, mais sur un parcours proposé par le ministère de l'Intérieur. Le cortège partira de la place de Bastille, puis fera le tour du bassin de l'Arsenal, avant de retourner à Bastille, a précisé Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière (FO). "Le service d'ordre sera renforcé", a assuré son homologue de la CGT, Philippe Martinez. L'aspect sécuritaire a également été évoqué par le mnistre de l'Intérieur, qui a prévenu : "aucun débordement, aucune violence" ne seront "tolérés".
Les syndicats ont également obtenu l'autorisation de manifester le 28 juin : "c'est une victoire pour les organisations syndicales, une victoire pour la démocratie", se sont félicités les deux leaders syndicaux. Ces derniers ont néanmoins demandé à être reçus "très rapidement" par François Hollande pour tenter de faire évoluer une nouvelle fois le projet de loi Travail.
Le rassemblement parisien interdit dans un premier temps. La journée de mercredi avait débuté dans une ambiance bien plus électrique. Après les violences qui ont émaillé la dernière manifestation du 14 juin, la préfecture de Paris a annoncé vers 9 heures ce que tout le monde redoutait : une interdiction pure et simple. "Il n'a pas d'autre choix que d'interdire la tenue de la manifestation", a alors indiqué la préfecture de police, insistant sur "l'épuisement" des forces de l'ordre, sans oublier "les risques de dégradations des commerces, habitations et institutions ainsi que les violences aux personnes et représentants des forces de l'ordre".
Dans la foulée, la CGT et FO s'insurgent. L'interdiction à peine annoncée, la CGT et FO ont exigé d'être reçus par le ministre de l'Intérieur". Un rendez-vous qui n'a alors pas permis de trouver une solution mais eu le mérite de renouer le dialogue. "C'est mieux quand on discute, plutôt que de parler par communiqués interposés", a ironisé Philippe Martinez.
Le malaise est tel que même la CFDT, pourtant favorable au projet de loi Travail, a condamné cette interdiction. "Si la CFDT ne partage pas sur le fond la position des organisations qui appellent à la mobilisation, elle défend leur droit à manifester pour l'exprimer", a-t-elle réagi. Une inquiétude partagée par la CFE-CGC, qui a exprimé "sa déception et son inquiétude" devant une décision qui relève d'une "cristallisation des postures, dangereuse pour la démocratie".
Bien que la manifestation ait finalement été autorisé, cet épisode a laissé des traces : huit syndicats ont demandé l'ouverture d'une enquête parlementaire sur les "dysfonctionnements" du maintien de l'ordre et "les choix opérés par le ministère de l'Intérieur" lors des manifestations.
L'Elysée assure qu'il ne s'agissait pas d'un "arbitrage" de Hollande. Juste après l'annonce de l'interdiction, la présidence de la République avait tenu à préciser qu'elle n'y était pour rien et que l'interdiction avait été prise à l'issue d'un "dialogue entre la préfecture de police, l'Intérieur et les organisations organisatrices". "C'est une décision de gestion opérationnelle de l'ordre public. L'arbitrage n'a pas été rendu par le président lui-même", soulignait alors l'entourage de François Hollande. Il est néanmoins difficile d'imaginer qu'il n'ait pas été consulté.
Une interdiction (temporaire) très commentée. Interdire une manifestation étant exceptionnel, les partis politiques n'ont donc pas tardé à s'emparer du sujet. "Je considère, et je pèse vraiment mes mots, que c'est une faute historique", a réagi sur iTELE le député Christian Paul, chef de file des "frondeurs". "C'est la première fois depuis 1958 qu'un gouvernement, un Premier ministre, interdit une manifestation organisée par les grandes organisations syndicales", a-t-il accusé. "C'est aberrant sur le plan du droit et des valeurs, et désastreux", a réagi sur ITELE l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot, qui demande la "suspension de l'examen de la loi Travail" au Parlement.
A droite, les réactions ont été contrastées. Si Nicolas Sarkozy avait jugé mardi qu'une interdiction n'est "pas raisonnable", François Fillon s'est, lui, félicité d'une interdiction qu'il avait lui-même réclamé. "Ce gouvernement a tergiversé et décidé dans le pire moment : à la veille de la manifestation. C'est la démonstration de l'incurie du gouvernement, de son incapacité à décider, à maîtriser une situation", a de son côté estimé Alain Juppé.
Le Front national s'est aussi engouffré dans la brèche par la voix de sa présidente. "L'interdiction des manifestations contre la loi Travail est une démission face aux casseurs et une atteinte grave à la démocratie", a réagi sur Twitter Marine Le Pen.
Tout comme l'autorisation de dernière minute. La décision d'autoriser finalement la manifestation a également été très commentée. Jean-Luc Mélenchon a ainsi accusé le Premier ministre Manuel Valls d'être "obtus et confus". Un angle d'attaque également choisi par la sénatrice EELV Esther Benbassa sur Twitter :
Menacer d'interdire, exiger un rassemblement statique, interdire, et finalement autoriser... Vous suivez? Ca, c'est #gouvernerselonValls.
— Esther Benbassa (@EstherBenbassa) 22 juin 2016
"On n'y comprend plus rien (...) Le gouvernement commence par permettre, ce qui était naturel, les manifestations, puis interdit une manifestation, puis finalement il la réautorise. Il n'y a plus de gouvernement, c'est une roue de la fortune pour les Français, on ne sait pas sur quoi on va s'arrêter", a ironisé Nathalie Kosciusko-Morizet, députée LR et candidate à la primaire de droite.