"Paradise Papers" : les droits du "Boléro" de Ravel perçus... dans des paradis fiscaux

Maurice Ravel, 1930 crédit : HARCOURT / AFP - 1280
Les droits des oeuvres de Maurice Ravel se sont transmis jusqu'à des sociétés basées dans des paradis fiscaux comme Malte ou les Pays-Bas © HARCOURT / AFP
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M.R.
Les "Paradise Papers" ont révélé un savant montage fiscal de la part des héritiers du compositeur Maurice Ravel pour payer le moins d'impôts possible sur les droits de ses œuvres.

Par un savant montage fiscal, les droits du célèbre morceau de Maurice Ravel Le Boléro ont rapporté de belles sommes à ses différents ayants-droits. Une affaire de montages financiers et de transmission de droits révélée vendredi par FranceInfo grâce aux "Paradise Papers".

Des droits qui rapportent à des sociétés. Bien qu'ils soient tombés dans le domaine public en France en mai 2016, les droits des œuvres de Ravel - dont Le Boléro - continuent de rapporter à... une société basée à Amsterdam (à 90%), dirigée par la dernière héritière du compositeur, et à une fondation implantée à Monaco (10% restants). 

"La fille de la seconde femme du mari de la gouvernante de la femme du frère de Maurice Ravel" . Pour comprendre comment ils sont arrivés là, il faut remonter à la succession directe de Maurice Ravel. À la mort du compositeur en 1937, c'est son frère qui hérite de des droits de ses œuvres. Blessé dans un accident de voiture avec sa femme, il a recours aux services d'une gouvernante, Jeanne Taverne, pour les soins. Après la mort de son épouse, Edouard Ravel fait de sa gouvernante sa légataire universelle.

Lorsque celle-ci meurt, après avoir hérité, les droits reviennent à son ex-mari, Alexandre Taverne. À la mort de ce dernier, c'est sa deuxième épouse qui hérite puis sa fille, issue d'un premier mariage, après elle : Evelyne Pen de Castel, l'actuelle héritière. Il s'agit donc de "la fille de la seconde femme du mari de la gouvernante de la femme du frère de Maurice Ravel", résume FranceInfo. 

Jean-Jacques Lemoine, virtuose de l'optimisation fiscale. Mais l'histoire ne s'arrête pas là, puisqu'un autre personnage est intervenu au cours de la succession pour se charger de la gestion de ces droits : Jean-Jacques Lemoine, ancien cadre de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Dans les années 1970, il passe un accord avec les époux Taverne (héritiers directs d'Edouard Ravel) pour gérer la perception des droits et leur en reverser une partie.

Il créé alors plusieurs sociétés dont Arima - créée au Vanuatu puis à Gibraltar, aux Îles Vierges britanniques et enfin à Monaco où elle est toujours. En parallèle, il en créé d'autres basées à Amsterdam et elles aussi dépositaires des droits du Boléro

Tombé dans le domaine public en France, mais pas ailleurs. Après une vaine tentative pour repousser la date où ces droits tombent dans le domaine public (soit 70 ans après la mort de l'auteur), en mai 2016, le Boléro ne rapporte plus rien en France. En revanche, ce n'est pas le cas en Espagne ou encore aux États-Unis qui représentent la moitié des sommes perçues. 

Des droits versés dans des paradis fiscaux. Aujourd'hui, 90% de ces droits sont reversés à la société néerlandaise Caconda, dirigée par Evelyne Pen de Castel, qui sponsorise la fondation SOS Talent, créée par son mari pianiste, qui a pour mission de promouvoir les jeunes pianistes.

Les 10% restants reviennent désormais à la fondation Sancta Devota, installée à Monaco et fondée par Jean-Jacques Lemoine, pour venir en aide aux enfants défavorisés et financer la fondation de protection de l'environnement du prince Albert de Monaco. Dernière inconnue, selon les enquêteurs de FranceInfo, le rôle de la société Admira International Music Limited créée en 2007 par Evelyne Pen de Castel à Malte.