L'Autorité de la concurrence se penche à nouveau sur le secteur de l'énergie. Plusieurs fournisseurs d'électricité ont reçu sa visite le 22 novembre dernier, une opération qui vise principalement EDF. Cette perquisition a été menée pour vérifier si le géant français de l'électricité ne profite pas de son statut d'opérateur historique et donc d'un fichier clients stratégique auquel ses concurrents n'ont pas accès.
Un fichier client stratégique. L'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité est censée dynamiser ce secteur mais cette réforme a peu d'effets pour l'instant. Les raisons sont multiples : méconnaissance de cette réforme, côté rassurant du tarif réglementé d'EDF et faible différence avec les tarifs libres des nouveaux fournisseurs. Mais il y a également une autre raison : pour pouvoir convaincre les clients de les rejoindre, les concurrents d'EDF doivent les démarcher et donc disposer de leurs coordonnées. Sauf que le fichier client le plus fourni appartient justement à EDF, qui alimente les Français en électricité depuis des décennies. Ses concurrents le soupçonnent donc de disposer d'un avantage concurrentiel de taille et de favoriser ainsi ses propres filiales, dont Dalkia. Ils réclament une égalité de traitement, condition sine qua none à une concurrence libre et non faussée.
Une perquisition pour mettre fin aux soupçons. Cette accusation en rappelle une autre : en septembre 2014, GDF - devenue Engie - a été contrainte par l'autorité de la concurrence de partager son fichier clients avec ses concurrents pour des raisons similaires. Saisie par un nouvel opérateur, Plüm Energie, le gendarme de la concurrence a donc mené une perquisition chez EDF. "Les services d'instruction de l'Autorité confirment avoir procédé le 22 novembre 2016, après autorisation d'un juge des libertés et de la détention, à des opérations de visite et saisie inopinées auprès d'entreprises suspectées d'avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des services énergétiques et de la fourniture d’énergie", a précisé ce dernier.
EDF précise de son côté qu'il collabore entièrement à cette enquête et, qu'à ce stade, ces accusations ne sont pas avérées. L'Autorité de la concurrence a également tenu à préciser que l'enquête était en cours et qu'il ne fallait pour l'instant pas en tirer de conclusions. "À ce stade, ces interventions ne préjugent bien évidemment pas de l’existence d’infractions pouvant être imputées aux entreprises concernées par les pratiques présumées, que seule une instruction au fond permettra le cas échéant d'établir", a-t-elle souligné.
Un marché encore peu ouvert. En attendant de connaître les résultats de la perquisition, un constat s’impose : l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité est encore très limitée. Des fournisseurs alternatifs (Direct Energie, Enercoop, Lampiris, etc.) se sont bien lancés sur le marché français et proposent désormais des offres à des prix de marchés. Mais si ces derniers ont réussi à convaincre les entreprises qui consomment beaucoup d’énergie, ils peinent à séduire les particuliers et les PME. "La pénétration de la concurrence reste encore marginale pour les particuliers et les petites entreprises. 9 % des sites, représentant 6,7 % de la consommation, ont recours aux offres de marché", soulignait ainsi la Cour des comptes dans un rapport publié en février 2015 et intitulé "L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence : une construction inaboutie".