Après les théâtres de Montpellier, Caen et Bordeaux, les intermittents du spectacle ont investi dimanche soir le théâtre de l’Odéon, à Paris, et ont déployé sur sa façade des banderoles. "Nous avons lancé des appels à nous rejoindre que Nuit debout a relayés. L'information passe", a déclaré l’un des membres de la Coordination des intermittents. Mais pourquoi les intermittents se mobilisent-ils ? Sans surprise, il est une nouvelle fois question du régime d’assurance-chômage spécifique aux intermittents.
Vers une nouvelle réforme d’un régime dans le rouge. Les intermittents du spectacle n’ont pas choisi par hasard la date de leur action : la dernière journée de négociations sur leur régime se tient lundi au ministère du Travail. Il s’agit toujours de réformer un régime d’assurance-chômage profondément déséquilibré : son déficit a avoisiné les 950 millions d’euros en 2015, selon l’Unédic.
En effet, en raison d’une activité très variable, les intermittents bénéficient de règles spécifiques : à niveau de cotisation égales, ils touchent des allocations chômage bien plus élevées que les employés lambda. Ainsi, pour un euro de cotisations, le régime d’assurance-chômage verse en moyenne aux intermittents 4,1 euros. Les partenaires sociaux négocient donc un nouvel accord pour réduire ce déséquilibre et espèrent arriver en 2020 à un ratio de 3 euros d’allocations pour un euro de cotisations.
185 millions d’euros à économiser ? Pour arriver à un tel ratio, le patronat et une bonne partie des syndicats estiment qu’il va falloir réaliser 185 millions d’euros d’économies d’ici 2018. Ce cadre budgétaire défini, c’est aux professionnels du secteur de décider comment y arriver : durée de cotisation rallongée, durée d’indemnisation raccourcie, durcissement des conditions d’accès au statut d’intermittent, etc.
La CGT et Force Ouvrière sont néanmoins opposées une telle cure d’austérité et la ministre de la Culture n’est pas loin de penser la même chose : "le cadrage adressé au monde du spectacle est une provocation", estime Audrey Azoulay, qui souhaiterait limiter l’effort à 105 millions d’euros. Le Premier ministre a d’ailleurs promis le soutien financier de l’Etat, probablement à hauteur de 80 millions d’euros. Mais même si l’Etat mettait la main à la poche, cette solution serait fragile : cette manne pourrait être menacée à chaque changement de majorité politique et de gouvernement.
Les festivals d’été menacés ? Si aucun arbitrage n’a encore été décidé sur le montant des économies à réaliser et la méthode pour y arriver, les intermittents savent déjà qu’ils vont probablement y perdre au change. Ils multiplient donc les actions, à l’image de l’occupation de l’Odéon, pour peser sur les débats et surtout montrer leur capacité à se mobiliser. Car les organisations d’intermittents pensent déjà à la suite : faute d’être entendus, ils pourraient perturber les festivals d’été, comme ce fut le cas en 2014.