Jean-Marc Janaillac a acté sa démission vendredi. 2:55
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avec François Geffrier et Hadrien Becht , modifié à
A la surprise générale, les salariés d'Air France ont rejeté à 55% la proposition de la direction sur les salaires, forçant le PDG Jean-Marc Janaillac à démissionner.

L'expression est facile mais elle n'a jamais eu autant de sens : Air France s'apprête à traverser une sérieuse zone de turbulences. Les salariés de la compagnie aérienne ont rejeté à 55% la proposition de la direction sur les salaires, lors de la consultation organisée par le PDG Jean-Marc Janaillac pour tenter de sortir de l'impasse. Comme il l'avait promis, le patron d'Air France a pris acte de ce résultat défavorable et acté sa démission. Sans patron mais toujours avec une grève sans issue apparente, la compagnie française risque le crash.

Janaillac pris à son propre jeu. Jean-Marc Janaillac pensait faire un coup de poker, il a fait tapis en mettant sa propre tête sur la table, avec ce référendum. Le PDG d'Air France pensait sans doute que les salariés accepteraient les 7% d’augmentations de salaires sur quatre ans (dont 2% dès 2018) qu’il promettait, et qu’il éclipserait les syndicats et leurs revendications plus élevées (5,1% d'augmentation immédiate, contre 6% au départ). Jean-Marc Janaillac misait sans doute sur la participation moyenne des salariés de la compagnie à la grève entamée fin février (seul un vol sur quatre était annulé).

Finalement, le patron d'Air France a été pris à son propre jeu. Les salariés ont été beaucoup plus nombreux à voter non qu’ils n’étaient à faire grève : 55,44% avec une participation très élevée (80,33%). Jean-Marc Janaillac a été débordé par la volonté des salariés et, prisonnier de ses propres paroles, il a été contraint de démissionner, avec beaucoup de regrets. "Treize journées de grève et plus de deux mois de conflit ont affaibli Air France, compromettant sa performance et son avenir. C'est un immense gâchis qui ne peut que réjouir nos concurrents et déboussoler nos équipes", a déclaré le dirigeant lors d'une courte allocution. "J'espère désormais qu'Air France saura dépasser un dialogue social dont le fonctionnement appartient à un autre temps et surtout ,saura oublier les clivages et les rancœurs pour sortir de la défiance qui la mine."

" Le départ du président ? C'est son choix. "

Chez FO, on est "content du résultat". La mine grave, visiblement assommé par la décision des salariés, Jean-Marc Janaillac, arrivé en juillet 2016 à la tête d'Air France a assumé les conséquences du vote. "Ce vote est la traduction d'un malaise, il appelle une transformation profonde", a-t-il dit, espérant que son départ permette "une prise de conscience collective et d'amorcer les conditions d'un rebond". C’est tout un groupe qui est désormais sans patron. Il n’y a pas qu’Air France, il y a aussi KLM, Transavia, Hop, ou encore Joon. 

Pas de quoi attendrir les syndicats, qui s'opposaient pour la plupart à la proposition de la direction sur les salaires. "Je suis content du résultat, nous mettions le 'non' en avant", se félicite Christophe Malloggi, délégué Force ouvrière d'Air France, au micro d'Europe 1."Ce que je remarque, c'est que les syndicats contestataires, ceux qui sont en grève, sont le baromètre social de l'entreprise. Je regrette qu'on ne nous ai pas écoutés plus tôt". Même satisfaction du côté des pilotes : "Ce qui nous réjouit, c'est d'avoir la confirmation que les syndicats représentent toujours les salariés. On a essayé de mettre en doute cette constante, elle s'avère fausse", estime Philippe Evain, président du syndicat de pilotes SNPL.

Réactions diverses à la démission de Janaillac. Quant à la démission de Jean-Marc Janaillac, les réactions sont contrastées. "Le départ du président ? C'est son choix, c'est lui qui a décidé de mettre son poste en jeu sur cette consultation. Maintenant, j'espère qu'on trouvera rapidement un nouveau PDG et en attendant, il y a toujours des dirigeants qui sont là pour gérer la boîte", affirme Christophe Milloggi. "On n'a jamais demandé son départ, on pense qu'il devrait reconsidérer la question, apaiser l'entreprise, faire un geste pour les salariés susceptible de les remettre tous au travail", tempère Philippe Evain.

En revanche, pour la CFDT, syndicat qui n'appelle pas à la grève, le départ du PDG "augure d'une période trouble pour notre compagnie et d'une grave crise de gouvernance dont Air France n'a pas les moyens, eu égard à l'environnement économique et concurrentiel dans lequel elle évolue". Par ailleurs, "la CFDT entend l'avis exprimé par une majorité de salariés et ne signera donc pas l'accord salarial pluriannuel proposé".