L'idée courait depuis quelques jours, elle est désormais officielle : Emmanuel Macron repousse d'un an le lancement effectif du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu (décidé par Michel Sapin et Christian Eckert et approuvé par le Parlement), information confirmée à Europe 1 par l'équipe du Président. Une décision qui entérine la volonté affichée par Emmanuel Macron, sur Europe 1 le 29 mars, d'expérimenter le prélèvement à la source pendant un an à compter du 1er janvier 2018. "Je pense que c'est une bonne réforme, donc elle se fera, mais elle se fera avec la méthode décidée, c'est-à-dire expérimenter, regarder les problèmes et les corriger", et ce, durant "la première année", avait expliqué celui qui était encore candidat.
"Des loupés techniques". Ce report est lié à plusieurs craintes dans l'esprit d'Emmanuel Macron. Pour lui, le big bang du prélèvement à la source est compliqué à gérer pour les entreprises. Ce sont elles qui devaient prélever directement l’impôt, chaque mois, sur les salaires. Il veut donc se donner du temps pour vraiment mesurer la charge de travail en plus. "Il y aura immanquablement des loupés techniques et je n'ai pas envie de plonger le pays dans l'incertitude totale", avait dit l'ancien ministre de l'Économie lors de son passage chez Europe 1 en mars.
Les mesures pour le pouvoir d'achat passeraient inaperçues. L'autre raison est plus politique. En effet, Emmanuel Macron craint l'impact psychologique sur les salariés. Avec le prélèvement à la source, les salaires seraient amputés chaque mois de la part mensuelle d'impôt à payer. Par exemple, si vous gagnez 2.000 euros par mois et que vous payez 1.200 euros d’impôts par an, votre salaire net aurait dû être inférieur chaque mois de 100 euros. Un changement déjà pas évident à faire accepter aux Français. Argument critiqué par le secrétaire d'État au Budget Christian Eckert qui, sur son blog, évoque "un bien grand mépris de l’intelligence de nos concitoyens".
Et surtout, selon l'entourage du Président, l'application du prélèvement à la source dès 2018 aurait entièrement gommé l'effet des mesures fiscales qu'Emmanuel Macron s'est engagé à prendre l'an prochain en faveur du pouvoir d'achat. Le nouveau président de la République prévoit en effet de supprimer les cotisations salariales (maladie et chômage) pour donner un coup de pouce financier aux ménages. Or, cette mesure sera déjà contrebalancée par une hausse de 1,7 point de la CSG. Selon les calculs de l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron, le solde de ces deux mesures sera positif pour les salariés. Sauf que le prélèvement à la source masquera complètement les mesures pour le pouvoir d'achat du Président.
Pas de changement en 2018. Résultat, l'an prochain il y a aura, nous dit-on, seulement des expérimentations à blanc dans certaines entreprises, sur certains territoires. Ce qui devrait permettre à Emmanuel Macron de se faire une idée définitive et de lancer ou pas ensuite le prélèvement à la source. Au printemps 2018, les contribuables payeront donc leur impôt sur le revenu de la même façon que cette année, en déclarant leurs revenus de 2017.
Un "gaspillage d'argent". Le report d'un an - ou plus - implique cependant plus qu'un changement de calendrier. La préparation de la réforme a déjà coûté 50 millions d'euros, notamment pour préparer les nouveaux logiciels et lancer la campagne d'information (deux millions d'euros à elle seule selon nos informations). Ce qui fait dire à un Christian Eckert particulièrement amer que la décision d'Emmanuel Macron est un "gaspillage d'argent" public.
Depuis plusieurs mois, à Bercy, une cellule de plusieurs personnes planche exclusivement sur l'application du prélèvement à la source. "Ce serait dommage de gaspiller cette énergie", a déploré l'actuel secrétaire d'État au Budget, invité d'Europe Midi mercredi. La phase de test qui devait être lancée cet été en s'appuyant sur un échantillon d'entreprises sera également annulée, alors même que les sociétés concernées s'étaient activement préparées.
Par ailleurs, il va falloir changer la loi. Aujourd'hui, c'est très clairement écrit : le prélèvement à la source doit entrer en vigueur au 1er janvier 2018. Pour acter le report d'un an, il suffit de l'intégrer à la future loi de finance qui établira le budget de 2018. Puis, en fonction des résultats de l'expérimentation, il faudra alors rétablir ou non le changement de système dans la loi de finances 2019.