Certains lecteurs ont dû se demander s’ils étaient bien réveillés jeudi matin en apprenant que l’entreprise française BlaBlacar était devenue une licorne après avoir réussi à lever 200 millions de dollars auprès d’investisseurs. Car oui, la presse économique parle bien de "licorne" pour désigner certains types d’entreprises. Retour sur un terme qui désigne tout autant un mythe que des affaires de gros sous.
Qu’est-ce qu’une licorne ? Ce terme qui fleure bon la génération internet et la Silicon Valley est apparu la première fois en 2013 sous la plume de Aileen Lee. Cet analyste américain, qui est également le créateur d’un fonds d’investissement, a décidé de regrouper sous l’appellation "unicorn" – licorne en anglais - les entreprises présentant une certains nombre de caractéristiques communes. A savoir : être installée sur le sol américain, être spécialisée dans les nouvelles technologies, avoir moins de dix années d’existence et être valorisé plus d’un milliard de dollars avant même d’être cotée en Bourse.
Depuis, le terme n’est plus réservé aux seules entreprises américaine et désigne, en résumé, les start-up des nouvelles technologies promises à un bel avenir et qui ont les moyens de leurs ambitions : une réserve d'argent très conséquente sans les inconvénients d'être cotées en Bourse (publication des résultat, pression pour devenir rentable rapidement, attention portée au cours en Bourse, etc.). Après avoir levé 200 millions de dollars, BlaBlacar – refondé en 2006 par Frédéric Mazzella – vaut désormais 1,6 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) et remplit tous les critères pour faire partie de cette famille.
Combien sont-elles ? Leur nombre évolue aussi rapidement que les nouvelles technologies. CB Insights, une société de conseil et d’analyse, tient un décompte en temps réel et estime qu’il en existe aujourd’hui 134. 134 entreprises parmi lesquelles figurent des noms bien connus du grand public : le service de VTC Uber, le fabricant chinois de téléphone Xiaomi, le site de location immobilière AirBnB, le service de partage de photos Snapchat ou encore le site d’infotainment Buzzfeed. Sans oublier Dropbox, SpaceX, Pinterest, Lyft, etc.
En tête de ce classement, qui fut longtemps dominé par Facebook avant qu’il entre en Bourse, on retrouve Uber. La société californienne est actuellement valorisée à hauteur de 51 milliards de dollars (45 milliards d’euros) et ne tardera pas à quitter cette catégorie. Quand au premier européen, il s’agit du site de streaming musical Spotify, classé en 15e position.
Voici les dix plus grosses licornes et leur valorisation estimée :
Il y a aussi des licornes en France. Si la majeure partie des licornes sont bien évidemment des entreprises américaines, la France en dénombre cependant trois. BlaBlacar donc, mais aussi Criteo et Ventes-Privées.com. Deux entreprises qui ont néanmoins beaucoup grandi et, n’ayant plus grand-chose à voir avec une start-up, ne figurent plus dans ce classement. Parmi les Etats "licorne friendly" figurent également la Chine, le Royaume-Uni, la Suède et l’Allemagne.
Après la licorne, la "decacorn" et l’ombre d’une bulle. La licorne est une espèce qui se porte visiblement bien : le nombre est passé de 82 à 134 entre le 1er janvier et mi-septembre. Si bien que des analystes ont même inventé un nouveau terme, les "decacorn", pour désigner les entreprises valant plus de 10 milliards de dollars. Autrement dit, des licornes puissance dix.
Mais comment expliquer cette profusion d’entreprises arrivant à convaincre des investisseurs de miser des milliards sans même être entrées en Bourse ? Il y a d’abord les nouvelles technologies, qui représentent désormais un pan entier de l’économie et sont devenues rentables. C’est là que se crée de la valeur et que les ruptures technologiques sont les plus nombreuses, ce qui incite les investisseurs à miser dessus. D’autant que ces derniers bénéficient d’un contexte très particulier, où l’argent est disponible à profusion et à des taux historiquement bas.
Mais une telle frénésie couplée à une abondance de liquidités rappelle également de mauvais souvenirs : la bulle internet qui éclata en 2000 et provoqua une crise économique. L’économie numérique est certes bien plus mature aujourd’hui, mais cet afflux d’argent pour des entreprises qui ne sont pas toujours rentables n’est pas sans risque. Si bien que certains analystes redoutent qu’une partie des licornes ne se révèlent être que des mirages.