Des animaux saignés alors qu’ils n’ont pas été totalement étourdis, des moutons jetés par-dessus des barrières à défaut de savoir les guider, des coups de matraque électrique distribués sans justification : une enquête préliminaire a été ouverte mardi après la publication d’une vidéo réalisée par l’association L214 et montrant les mauvais traitements infligés aux animaux. L’émoi est d’autant plus grand que l’abattoir visé, situé à Vigan dans le Gard, est certifié bio. Mais cette certification apporte-t-elle vraiment des garanties supplémentaires lorsque les animaux sont abattus ?
Des labels qui concernent surtout les méthodes d’élevage. Pour l’aider dans ses choix, le consommateur dispose d’un nombre grandissant de labels : AB pour l’agriculture biologique, Label Rouge, AOP, AOC, IGP, etc. Encore faut-il savoir faire le tri. Par exemple, les appellations AOP, AOC et IGP ne certifient qu’une origine géographique de production ou d’élevage, mais ne disent rien sur la qualité du produit en lui-même.
Les logos AB et Label Rouge sont en revanche censés être synonymes de meilleure qualité par rapport aux standards en vigueur. Mais ces appellations contrôlent avant tout l’élevage et l’alimentation des animaux. Un label bio promet ainsi l’absence d’OGM dans les aliments fournis à l’animal, la réduction au maximum des traitements médicaux ou encore le fait que l’animal soit élevé dans un espace de vie plus grand. De même, un animal estampillé Bio ou Label Rouge doit attendre plus longtemps que son homologue lambda pour être abattu : 81 jours minimum pour un poulet, contre 40 jours dans l’agriculture intensive.
Quelles différences pour un abattoir certifié bio ? Si la certification AB garantit avant tout le respect de certaines normes en matière d’élevage, elle prévoit néanmoins aussi des règles un peu plus strictes en matière d’abattage. Un abattoir doit d’ailleurs obtenir une certification AB pour pouvoir tuer et découper des animaux issus de la filière biologique.
Etrangement, la différence avec le circuit classique concerne avant tout le transport : avec l’agriculture biologique, et encore plus avec le Label Rouge, le temps de transport des animaux doit être réduit au minimum et ne pas dépasser une journée. En outre, il est interdit d’utiliser des calmants pour apaiser les bêtes pendant le transport et d’utiliser un dispositif électrique pour les forcer à descendre du camion.
L’autre grande différence concerne la traçabilité : les normes sont bien plus exigeantes avec la viande bio pour éviter qu’elle n’entre en contact dans l’abattoir avec une viande conventionnelle. Les animaux issus de l’agriculture bio doivent donc être parqués dans un espace à part de l’abattoir et tout le lot doit être abattu en une seule fois pour éviter qu’un animal de la filière conventionnelle ne s’y mélange. Les appareils d’abattage doivent être entièrement nettoyés à chaque passage entre les deux filières. En outre, l’étiquetage de la viande est encore plus poussé pour assurer la traçabilité.
En ce qui concerne l’abattage à proprement parler, la différence est par contre minime avec la filière conventionnelle : comme pour les autres filières, la loi oblige la filière bio à "prendre les mesures nécessaires pour éviter la douleur et atténuer autant que possible la détresse et la souffrance des animaux pendant l’abattage ou la mise à mort". Agriculture bio ou non, l’animal doit donc être étourdi avant d’être abattu par un professionnel selon la méthode de son choix (saignée, jonchage, électrocution ou anoxie prolongée). Et même dans la filière bio, l’abattage rituel est autorisé et permet de ne pas procéder à un étourdissement préalable, même si cela accroît les souffrances de l’animal.
Une certification bio à améliorer dans l’abattage. Si le label bio apporte des garanties supplémentaires indéniables en matière d’élevage, la différence avec la filière conventionnelle est donc minime lorsque l’animal arrive à l’abattoir. Et dans tous les cas, l’abattoir ne doit pas violenter les animaux et s’assurer qu’ils ont été étourdis avant de les tuer, certification bio ou pas.
Les associations de protection des animaux militent d’ailleurs pour que l’abattage d’animaux bio se différencie davantage de la filière conventionnelle. Ainsi, l’association Protection mondiale des animaux de ferme (PMAF) publie régulièrement des appels à modifier la réglementation. A ses yeux, le voltage utilisé pour étourdir certains animaux devrait être revu pour limiter les souffrances : dans de nombreux cas, le courant utilisé n’est pas assez puissant pour étourdir les poulets, canards, pintade, oies et autres dindes. En outre, la PMAF recommande de couper systématiquement les deux carotides de l’animal saigné, et non une seule comme c’est souvent le cas, afin d’accélérer le processus et de limiter les risques de réveil de l’animal.