2:54
  • Copié

Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il s'intéresse à la vague d’émotion transportée par les médias et amplifiée par les réseaux sociaux qui a conduit à suspendre l'administration du vaccin AstraZeneca.

En attendant les "nouvelles décisions" promises par Emmanuel Macron, on ne sait toujours rien des intentions de l’Agence européenne du médicament concernant le vaccin AstraZeneca.

Non, tout le monde (opinions publiques, dirigeants politiques, autorités sanitaires) est suspendu à cet avis. On a pris l’habitude, depuis un an, de parler des vagues de l’épidémie (la première, la deuxième, peut-être la troisième aujourd’hui). L’affaire du vaccin AstraZeneca, ce n’est pas une vague mais un gigantesque raz-de-marée qui vient de tout emporter sur son passage : la stratégie de lutte contre le Covid, la logistique de la vaccination, et les certitudes des défenseurs du vaccin.

Nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. L’Allemagne, après d’autres pays européens, avait précédé la décision française.

Qui, dès lors, devenait inévitable. Tous ces pays européens ont cédé devant le raz-de-marée, tous portent la responsabilité de ce qui restera comme un des pires épisodes de cette année de lutte contre le Covid. Et l’Allemagne peut-être plus que d’autres. Cette belle mécanique qui faisait notre envie (les masques, les respirateurs, le plan de vaccination), cette organisation à l’allemande s’est enrayée. Le pays a cédé alors que, quelques heures plus tôt, Berlin affirmait que le vaccin AstraZeneca était sans danger.

Et qu’est-ce qui explique ce revirement, et surtout sa brutalité, sa soudaineté ?

L’émotion. Une immense vague d’émotion transportée par les médias et amplifiée par les réseaux sociaux, une vague qui a grossi en traversant chaque pays, jusqu’à devenir irrésistible. Un tsunami qui, sur un sujet aussi fragile et sensible que la santé, a tout balayé, n’a laissé aucune place à la réflexion. Il fallait agir et réagir vite, sous la pression de l’immédiateté, sous la dictature de l’émotion. On connaissait la démocratie citoyenne, la démocratie participative avec ses tâtonnements inquiétants, voici que déferle chez nous la démocratie émotionnelle, celle qui confisque le pouvoir au politique pour le confier à cette partie du cerveau qui ne réfléchit pas mais réagit. Inutile, dans ce contexte, d’essayer de mettre en balance le nombre de morts qui allait être provoqué par l’arrêt de la vaccination avec les quelques de victimes d’effets secondaires du vaccin. La peur se vend bien sur les réseaux sociaux. Terrible constat d’une perte totale de contrôle sur une opinion publique emportée par ses émotions.

Tous les pays n’ont pas cédé, comme l’Angleterre qui vaccine à tour de bras avec AstraZeneca.

C’est vrai. Probablement parce que ce pays, comme les États-Unis, a la culture du risque, pas celle de la crainte ou du principe de précaution. Pour une fois, ces démocraties-là ont été plus matures que la nôtre.