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Chaque matin dans son édito, Nicolas Beytout revient sur l'actualité politique du jour. Ce vendredi, il revient sur la longue conférence de presse donnée hier par le président de la République, Emmanuel Macron, et la difficulté de parler d'Europe simplement à quelques semaines de l'arrivée de la France à la tête de la présidence du Conseil européen, pour une durée de six mois.

On revient avec vous sur la longue conférence de presse qu’a tenue Emmanuel Macron, hier à l’Elysée. C’était seulement la seconde du quinquennat

Oui, et cette rareté (à elle seule) suffit à en faire un petit événement. Cet exercice (répondre en direct à une centaine de journalistes) a été prisé de la plupart de ses prédécesseurs, mais pas tellement d’Emmanuel Macron qui, depuis le début de son mandat, a beaucoup cherché à innover dans la manière de communiquer avec les Français. Avec des résultats (il faut bien le dire) assez inégaux.

Et justement, cette conférence de presse, réussie ou pas ?

Je l’ai trouvée plutôt ratée. Comprenez-moi bien : le Président était parfaitement à l’aise, avec de temps à autre la touche d’humour et de légèreté qui convient à ce genre d’exercice. Il a brillamment survolé tous les sujets, démontrant une connaissance impeccable de son dossier et déroulant sans fausse note le programme de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui va lui échoir à partir du 1er janvier prochain.

De ce point de vue, un sans-faute. Sauf que ce savoir parfaitement maîtrisé est rapidement devenu un exposé de haut fonctionnaire bruxellois. Il y a bien eu, à plusieurs reprises, des envolées sur les valeurs de l’Europe, sur l’humanisme tel que la France peut prétendre le défendre sur le Continent et dans le monde. Mais c’était parfois à la limite du préchi-précha, et surtout, on retombait très vite dans un discours technocratique avec des expressions, des sigles, des mots-clefs à se faire pâmer un rond-de-cuir de la Commission européenne.

Et s’il y a bien un symbole de cette dérive, on le trouve dans le nombre de sommets européens, de réunions ministérielles, de colloques, de rencontres universitaires annoncés par le chef de l’Etat. Alors, bien sûr, c’est ça le fonctionnement de l’Europe : des rencontres, des palabres, des conseils qui durent des nuits entières et se terminent au petit matin. Mais depuis que l’Elysée avait annoncé cette fameuse conférence de presse, les collaborateurs du chef de l’Etat n’avaient eu de cesse d’expliquer qu’Emmanuel Macron allait promouvoir une Europe du quotidien, une Europe de la vraie vie, au jour le jour.

Et donc on en était loin.

Oui, et ça démontre à quel point il est difficile de parler d’Europe de manière concrète. Il y a bien eu un passage de la conférence de presse sur l’Europe des vaccins, mais à part ça, du concept, du concept, du concept. Et puis, tous ces sommets, plus d’une vingtaine qui vont se tenir un peu partout en France. On se demande bien ce que les Français auront à l’esprit lorsqu’ils verront la caravane diplomatique se poser ici ou là en région.

A plusieurs reprise, Emmanuel Macron a dû répondre à la question de sa candidature à la présidentielle d’Avril prochain parce qu’en fait, c’est la seule chose que beaucoup attendaient. Evidemment, le chef de l’Etat n’a pas répondu, mais le plus souvent, derrière ses propos, on sentait la préoccupation de la prochaine élection : croissance, emploi, investissement, souveraineté européenne, réforme de Schengen, et puis réponse aux thèmes de campagne évoqués par Eric Zemmour : c’était fait sans jamais le nommer, mais c’était transparent : "le rôle de nos institutions (et quand Emmanuel Macron dit institutions, il pense au Président de la République qu’il est), est de ne rien concéder ni au racisme, ni à l’antisémitisme, ni à la remise en cause de nos valeurs et de notre histoire."

Et au moment où se terminait la conférence de presse du chef de l’Etat, on se disait que c’était ça, probablement, le plus important. Et que le reste, je veux dire tout le propos très fouillé, parfois lyrique, parfois techno sur l’Europe, tout ça allait passer. Et qu’au fond, ce but-là n’avait pas été atteint.