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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce lundi, il estime que la manifestation ratée de ce week-end marque la fin du mouvement des Gilets jaunes. Entre des colères personnelles, le Covid, les leaders des Gilets jaunes qui se sont perdus et les tentatives de récupération, il n'y a désormais plus rien à récupérer de ce mouvement.

C’était ce week-end le grand retour annoncé des Gilets jaunes, mais ça ne s’est pas passé comme prévu.
En effet, ce retour a été un véritable flop. Entre 6.000 et 8.000 manifestants dont un tiers à Paris, quelques débordements, quelques interpellations et puis basta. Ce mouvement ne représente plus rien, il ne défend plus rien, ne réclame plus rien et ne reconnaît plus rien. Difficile de faire plus raté.

Ce mouvement des Gilets jaunes reste tout de même une colère, non ?

Si, bien sûr. Ou plutôt, il reste des colères, autant qu’il y a de manifestants. Des colères toutes différentes. Il y avait, par exemple, dans certains défilés samedi, des patrons de discothèques qui protestaient contre la persistance de la fermeture de leurs établissements, à cause bien sûr de l’épidémie de Covid. Mais qu’est-ce qu’ils ont à voir avec les premiers Gilets jaunes, ceux qui occupaient les ronds-points il y a deux ans, dont la colère avait été déclenchée par la taxe carbone et par le sentiment de mépris de l’élite envers eux, envers leur vie ? Évidemment rien, aucun rapport, aucune lutte commune. Juste une colère des uns et une colère des autres.

Est-ce que le Covid n’a pas joué contre la mobilisation ?

Si, bien sûr, l’ambiance du moment n’est pas aux grands rassemblements, aux cortèges de manifestants bien serrés les uns contre les autres. Mais ça aurait tout aussi bien pu, au contraire, servir de catalyseur. On pense par exemple au port obligatoire du masque, qui a beaucoup animé les groupes Facebook. On a pu croire, à un moment, que les Gilets jaunes allaient se transformer en mouvement des Masques bleus, un peu comme on l’a vu en Allemagne où des cortèges ont récemment réussi des mobilisations impressionnantes. Mais non, vérité au-delà du Rhin n’est pas vérité en-deçà.

Et les leaders des Gilets jaunes ?

Là encore, un naufrage. Il y a ceux qui ont été cassés par leurs propres camarades, parce qu’ils avaient cru un moment pouvoir les représenter et sortir du lot. Flingués. Il y a ceux qui se sont auto-détruits, qui se sont perdus dans leurs propres excès comme Jérôme Rodrigues, cet homme qui avait acquis une stature, qui avait souffert et perdu un œil à cause d’un tir de LBD, et qui se noie en traitant les policiers de nazis. Quant à ceux qui ont essayé de récupérer le mouvement, raté là-aussi.

C’est le cas pour Jean-Marie Bigard, qui a dû être exfiltré d’un cortège de manifestants.

Oui, comme quoi, éructer des insanités et ponctuer ses discours de mots obscènes, ça ne suffit pas pour faire un destin politique. Quant aux autres, les vrais politiques ceux-là (Jean-Luc Mélenchon, par exemple, qui avait tenté une manœuvre de rapprochement peu après la naissance du mouvement), ils semblent bien s’être tous découragés. Ils étaient irrécupérables, ces Gilets jaunes, parce qu’ils ne voulaient pas être récupérés. Ils sont irrécupérables aujourd’hui, parce qu’il n’y a plus rien à récupérer.