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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous emmène en visite dans l’hôtel particulier parisien du plus célèbre des mousquetaires. Au printemps 1659, Charles de Batz de Castelmore, dit d’Artagnan, élit domicile sur les bords de Seine, en face du Louvre. Après sa mort, on retrouve l’inventaire de son mobilier, qui donne quelques indications sur les goûts de ce héros fougueux. Spoiler alert: D'Artagnan préférait les armes aux livres...

Voilà un personnage que l’on a fossilisé dans son jeune âge, caracolant au gré de ses aventures. Mais D’Artagnan, personnage qui a véritablement existé, n’est pas mort jeune, il a vieilli jusqu’à un certain âge et s’est acheté un domicile à Paris, qui ressemblait moins à celui d’un baroudeur que d’un bon bourgeois cossu.

Un logement de mousquetaire aisé

Ce logement est situé au numéro 1 de la Rue du Bac, proche de ce que l’on appelait à l’époque le Quai de la Grenouillère. Nous sommes au printemps 1659 et D’Artagnan vient s’installer avec son épouse dans cet hôtel particulier de la Rue du Bac, en face du Louvre.

Dans Paris et ses Fantômes, G. Lenotre décrit l’appartement :

" C’est le logis d’un quinquagénaire qui a déjà bien roulé sa bosse. On ne devait pas l’y rencontrer souvent car il n’était pas à proprement parler un homme d’intérieur et on se représente mal, d’ailleurs, un mousquetaire du roi, aimant ses pantoufles et la lecture au coin du feu. "

D’Artagnan s’est marié sur le tard, on ne sait pas exactement à quel âge mais probablement entre 44 et 48 ans. Il a épouse une très riche veuve, Charlotte-Anne de Chancy, dame de Sainte-Croix, et l’hôtel où il choisit de s’établir se trouve non loin de son lieu de travail, la caserne des Mousquetaires située à proximité de la rue du Bac.

D'Artagnan, mousquetaire à la mode

Après la disparition de D’Artagnan, on a retrouvé l’inventaire de son mobilier et on peut facilement reconstituer l’intérieur du fougueux héros d’Alexandre Dumas. On rentre dans la cour, où se trouve une remise avec deux carrosses, l’un de quatre places, doublé de velours vert, et le second de deux places, tapissé de damas rouge. Sur la cour s’ouvre la cuisine, modestement garnie de vaisselle d’étain, une grande table, un coffre, un bahut et une armoire. Dans l’office tout proche se trouve une couchette réservée à la servante de D’Artagnan, Fiacrine Pinou.

Au premier étage, on trouve une grande pièce, murs tendus d’une belle tapisserie de Flandres et dans la garde-robe voisine, une malle, deux paires de bottes, une selle et une bride. L’appartement de D’Artagnan se trouve au second étage, dans l’antichambre : une table, neuf chaises, deux armoires et un lit. Dans sa chambre se trouve également un beau miroir, avec un portrait d’Anne d’Autriche accroché au mur. De la chambre, on peut profiter d’une très belle vue sur la Seine.

Le procès-verbal énumère aussi la garde-robe du mousquetaire : des vestes, des culottes en peau de chamois, en ratine, en drap de Hollande, en serge garni de dentelle, de boutons d’or ou d’argent, des pourpoints, des justaucorps, des manteaux de velours et des draps d’Espagne avec des bouquets de rubans. On trouve aussi des bas de soie et des gants de peau à dentelle noire. Pour l’intérieur, une robe de chambre à la turque, doublée de satin vert et pour les cérémonies, des vestes de brocard à fond d’or et à fleuret d’argent.

Du côté de ses possessions, on trouve une housse de cheval, des pistolets, deux épées, quelques objets de piété mais pas un seul écu, ni un seul livre. L’occupant des lieux ne s’intéresse ni à la littérature, ni à l’argent. En revanche, il aime priser, puisqu’on a retrouvé une tabatière dans l’inventaire.

Un mariage de courte durée

Le mariage de d’Artagnan a duré très peu de temps, six ans à peine. Deux enfants en sont nés, deux garçons baptisés Louis, comme lui. Très vite, D’Artagnan a connu des démêlés conjugaux avec sa femme, qui en avait assez d’être constamment trompée et d’avoir épousé un courant d’air. Il fit la guerre, l’amour et des dettes, et devint brigadier des armées du roi, commandant de la Place de Lille, gagnée par la France en 1667.

Il mourut le 25 juin 1673, durant le siège de Maastricht, d’une balle qui le frappa en pleine gorge. Il était parti pour aider de jeunes officiers qui subissaient une contre-attaque. Lorsqu’il est mort, quatre mousquetaires de sa compagnie ont été tués en tentant de récupérer son corps.

Louis XIV fait célébrer une messe dans sa chapelle privée et écrit à la reine :

" « J’ai perdu d’Artagnan, en qui j’avais la plus grande confiance et m’était bon à tout. D’Artagnan et la gloire ont le même cercueil. » "