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En mai 1945, on découvre en Allemagne six tonnes d’archives du ministère des Affaires étrangères nazi. Parmi ces milliers de documents, certains s’avèrent très embarrassants pour la famille royale britannique et l’ancien roi Edouard VIII (1894-1972). Ce sont les dossiers de Marbourg.

Le documentaire "Edward VIII: Britain's Traitor King”, récemment diffusé sur le canal britannique Channel 4 rouvre les archives et entend révéler l’ampleur des trahisons du duc de Windsor, qui aurait sympathisé et collaboré avec l’ennemi allemand…

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la troisième armée du général Patton met la main sur six tonnes d’archives : des dossiers, des microfilms, des photos… Dans ces archives se trouve un dossier sur les relations germano-britanniques et en particulier sur le duc de Windsor.

Ces dossiers sont appelés les dossiers de Marbourg. Leur contenu a été examiné un peu tardivement, en 1947, mais lire une telle masse d’archives prend du temps. On se rend vite compte que les dossiers de Marbourg sont extrêmement embarrassants pour la famille royale britannique, à tel point que le secrétaire général aux affaires étrangères et son homologue américain décident de leur destruction totale.

Les sympathies nazies d’Edouard ne constituent en rien un scoop. On sait déjà qu’Edward était très germanophile. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, les souverains britanniques sont d’origine allemande depuis 1714, ce sont des Hanovre et des Saxe-Cobourg-Gotha. Pendant la Première guerre mondiale, le 17 juillet 1917, la famille royale décide de changer de nom pour s’appeler Windsor, dont la consonance est plus anglaise.

L’un des cousins préférés d’Edouard est son cousin germain Karl, duc de Saxe-Cobourg-Gotha. A la veille de la Seconde guerre mondiale, ce dernier occupe déjà le rang d’officier supérieur chez les SS. Il vient très souvent à Londres pour voir Edouard et Hitler se retrouve informé de tous leurs entretiens, grâce à Joachim von Ribbentrop, ambassadeur de l’Allemagne nazie à Londres.

Les sympathies d’Edouard pour le parti nazi sont connues : il approuve le combat de Hitler contre le communisme et prend position pour un rapprochement anglo-allemand, ce qui va lui valoir la colère noire de son père George V, encore en vie. Sur une vidéo filmée dans le parc du château, on le voit en train d’apprendre à la jeune Elizabeth, future reine Elizabeth II qui avait alors moins de dix ans, à faire le salut nazi.

Un voyage de noces chez les nazis

Après avoir abdiqué le 11 décembre 1936 par amour pour Wallis Simpson, il choisit d’aller se marier le 3 juin 1937 au château de Candé, qui appartient à Charles Bedaux, un sympathisant nazi. Celui-ci a été reçu par les plus hauts dignitaires nazis : Goebbels, Ribbentrop, Göring… Il a aussi un chalet à Berchtesgaden, comme Adolf Hitler.

Parmi les cadeaux de mariage de Wallis et Edouard, on trouve une petite boîte en or gravée. C’est un cadeau d’Adolf Hitler. Le voyage de noces du couple se fait également en Autriche. A Venise, Edouard est vu faisant le salut fasciste devant une foule de curieux. A Vienne, il explique combien il est fier de son sang allemand et regrette la décision de son père de l’avoir renié publiquement.

Au cours de ce voyage de noces, le couple est invité en Allemagne, par Hitler. Ils sont reçus par Charles Bedaux et Ribbentrop. Edouard entend à longueur de journée des « Heil Windsor » ou « Heil Edouard ». Pendant les dîners, les nazis flattent Wallis en l’appelant altesse royale, alors que c’est un titre auquel elle n’a pas droit.

Le sommet du voyage de noces du couple, c’est le nid d’aigle à Berchtesgaden, le 22 octobre 1938. Au bout d’une heure et demie d’entretien, le duc est convaincu du pacifisme de Hitler, le voyant comme un visionnaire. Durant ces quatorze jours en Allemagne, les Windsor ont été choyés, chouchoutés, reconnus, et surtout utilisés pour promouvoir le régime nazi.

Que fait-on d’un tel homme quand la guerre éclate ? Car si l’Allemagne envahissait le pays, il pourrait très bien faire valoir son droit d’aînesse et remonter sur le trône, soutenu par les nazis. C’est une bombe à retardement qu’il faut gérer. On lui donne alors un rôle officiel pour le contrôler.

L'approbation des plans de Hitler

Il est envoyé dans le nord de la France pour inspecter les défenses françaises et en fait le rapport à Hitler dans une lettre qu’il remet d’abord à Bedaux. Cette fois, c’est un traître. Wallis Simpson n’est pas en reste. Ses contacts et échanges avec Ribbentrop sont tellement denses que les services secrets américains prennent même la peine d’avertir Londres que des choses pas claires ont l’air de se passer.

Selon l’historien Andrew Lownie, qui porte le documentaire, les rapports d’Edouard auraient nourri les plans d’invasion de la France. L’historien a tout de même déniché une pépite dans les archives royales britanniques. Il s’agit d’une lettre envoyée par Edouard à Hitler afin de le remercier de son séjour en Allemagne, qui lui a fait forte impression.

Dans cette lettre, il salue l’efficacité des mesures énergiques prises par le gouvernement de Hitler pour redresser le pays et qu’il pense que l’Allemagne est un exemple à suivre pour l’Angleterre.

Il existe aussi un document du 11 juillet 1940, envoyé à Berlin par l’ambassade d’Allemagne, dans lequel il est précise qu’Edward aurait conseillé la poursuite de bombardements intensifs pour rendre l’Angleterre prête pour la paix. Deux mois plus tard, le Blitz commence et les bombardements pleuvent sur Londres. Dans le documentaire, il est sous-entendu qu’Edouard aurait conseillé de bombarder son propre pays pour lui faire entendre raison.

Dans le documentaire de Channel4, on évoque aussi l’opération Willy, un plan allemand destiné à remettre Edouard sur le trône dès que l’Angleterre aurait rendu les armes.

Pour conclure, voilà ce que dit l’historien français Kersaudy à propos d’Edouard : « Il a été lamentable du début à la fin mais cela n'en fait pas un agent nazi, ni même un sympathisant. Il a d'ailleurs refusé de se rendre en Allemagne, qui a même tenté de le faire venir de force, après le déclenchement de la guerre. Patriote il l’était, mais si mal avisé qu'il en devenait dangereux. Churchill l'a très vite éloigné en le nommant gouverneur des Bahamas ». Voilà finalement ce que l’on fait d’une telle bombe à retardement…