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Au Moyen-Age, on considère les femmes comme inaptes à la guerre. Leur corps est jugé trop faible, leur raisonnement limité et leur caractère, bien trop peureux. Les seules armes qu'elles touchent sont celle qu'elles remettent aux chevaliers avant qu’ils ne partent en croisades. Pourtant, quand la Guerre de Cent Ans éclate (1337-1453) et que les hommes partent sur le champ de bataille, certaines femmes n’hésitent pas à revêtir heaume et cotte de maille pour défendre leur fief et renverser l’ordre du monde. Clémentine Portier-Kaltenbach enfile son armure et raconte le destin de valeureuses chevaleresses telles qu'Isabel de Conches (1070-1100), Jeanne de Flandre (1295-1374) ou Jeanne d’Arc (vers 1412-1431).

Au XIVe siècle, à part dans les chansons de geste, quand les femmes remettent au chevalier ses armes avant de partir à la croisade, la femme joue un rôle exclusivement passif quand il s’agit de guerre. La médiéviste Colette Beaune écrit à ce sujet, en reprenant les considérations d’époque : « Les femmes sont inaptes à la guerre, leur corps est faible, leur raisonnement limité, leur caractère peureux. De plus, la femme, mineure perpétuelle, ne saurait commander à des hommes adultes et avoir sur eux la moindre autorité ».

Les femmes ne combattent pas

Les choses changent à partir du XIVe siècle et le début de la guerre de Cent Ans. La société se militarise, l’état de guerre permanent entraîne l’absence des hommes pendant des périodes prolongées, des mois, des années, parfois définitivement.

Les femmes sont obligées de s’occuper de leur fief pendant dix, vingt, trente ans. La grande peste de 1348 a créé une vraie saignée démographique, on manque d’hommes et on manque de bras, aussi bien pour cultiver que pour combattre sur les champs de bataille.

Comme les seigneurs sont partis, on les remplace par leurs fils, puis par leurs bâtards, et quand il n’y a plus de bâtards pour remplacer les fils légitimes, on place des paysans pour compléter les troupes insuffisantes. Quand les paysans viennent aussi à manquer, on choisit des mercenaires, mais quand finalement les mercenaires se font rares, que reste-t-il ? Les femmes.

Evidemment, pas question pour les femmes de combattre en champ ouvert, c’est strictement interdit. Mais les femmes peuvent faire beaucoup d’autres choses : défendre une forteresse, nourrir, soigner, maintenir l’ordre, collecter des rançons, négocier des traités et tenir un siège.

Première exception : la croisade

En temps de guerre, il existe deux exceptions pour les femmes. La première est la croisade. Devant Dieu, une femme, autant qu’un homme, peut se croiser. Tout chrétien a d’ailleurs le devoir de se croiser, on ne peut l’interdire à une femme. Dans son livre, « La femme au temps des cathédrales », l’historienne Régine Pernoud précise que se croiser est un devoir, y compris pour les femmes et elle cite quelques pélerines.

Certaines n’hésitent pas à revêtir la cote de maille, à coiffer le casque et à manier l’épée, comme les épouses des normands de Sicile. En 1101, la margravine Ida de Cham, dite Ida d’Autriche, n’hésita pas à prendre les armes elle-même pour se rendre jusqu’en Palestine. Pour délivrer le corps du Christ, les femmes ont le droit de monter à cheval et de se battre.

Deuxième exception : l'état de siège

La deuxième exception pour les femmes est l’état de siège. Que vous soyez pauvre ou riche, homme ou femme, vous avez le droit de défendre votre ville ou votre village. Le siège est considéré comme une urgence durant laquelle toutes les règles du fonctionnement social sont mises entre parenthèses.

Colette Beaune, toujours, raconte l’histoire d’une certaine Pernelle de la Rivière qui, en 1418, a tenu un siège héroïque contre les Anglais dans son château de La Roche-Guyon, à la frontière de la Normandie. Son mari était tombé trois ans plus tôt à Azincourt, elle était alors devenue l’une des dames de compagnie de Marie d’Anjou, la mère de Louis XI. Elle était connue pour être une combattante.

On connaît aussi la Guerre des Dames, ou « Guerre des deux Jeannes », dans les années 1330, entre Jeanne de Flandre, qui était soutenue par les Anglais, et Jeanne de Penthièvre, héritière de Bretagne. La première fut surnommée « Jeanne la Flamme ». Une nuit, elle parvint à sortir de son château de Hennebont, alors en état de siège, et mit le feu aux tentes françaises, permettant de libérer sa ville.

Jeanne d'Arc, la plus célèbre des combattantes

Il y eut plus de combattantes qu’on ne le pense, surtout dans l’empire Plantagenêt des anglo-saxons. On pense notamment à Isabel de Conches, qui mena des armées féodales contre des seigneurs voisins et que l’on décrit comme « aussi brave que plusieurs amazones ». Mathilde l’Emperesse prit aussi les armes pour revendiquer le trône d’Angleterre contre son cousin.

On pense aussi à Richarde Visconti ou Marie de Pouzol, en Italie, une grande cavalière. Cette dernière possède même des troupes et les loue dans la région de Naples. Grande exception à l’époque, elle sait aussi parfaitement lire et écrire.

En France, les femmes combattantes se comptent sur les doigts de la main. La plus célèbre est évidemment Jeanne d’Arc. Il faut imaginer l’impression produite sur les esprits de l’époque par cette petite jeune fille qui se présente vêtue en homme et qui demande à combattre les Anglais…

Malgré toutes les réticences, la société a commencé à s’habituer à voir des femmes sortir de leur rôle et se battre. Mais ce qui va stupéfier l’opinion avec Jeanne d’Arc, c’est l’ampleur, le niveau de responsabilité et la durée de son engagement. Son aventure dure deux ans. Pendant ces deux années, elle commande à des hommes, elle commande à des grands seigneurs. Jeanne d’Arc renverse l’ordre établi et c’est aussi cette transgression qui va forger sa légende.